Le choix du président de la République de s’exprimer dans le magazine Valeurs actuelles pour défendre la laïcité est cruel. Il est cruel pour la gauche dont il signifie ainsi l’insignifiance à ses yeux.

Le président estime qu’il faut dialoguer avec la droite-extrême plutôt que s’allier à la gauche. On s’interrogera sur cette OPA sur la droite.

Le choix du président de la République de s’exprimer dans le magazine Valeurs actuelles pour défendre la laïcité est cruel. Il est cruel pour la gauche dont il signifie ainsi l’insignifiance à ses yeux.

Le président estime qu’il faut dialoguer avec la droite-extrême plutôt que s’allier à la gauche. On s’interrogera sur cette OPA sur la droite. Après Alain Juppé, puis Édouard Philippe, après l’entente cordiale avec Nicolas Sarkozy, c’est aujourd'hui le programme social de la droite : indemnité-chômage, retraites. Et l’idée qu’Emmanuel Macron serait pour la droite elle-même le meilleur rempart à Marine Le Pen. Emmanuel Macron semble tirer cette conclusion des européennes où une partie de l’électorat de la droite est venue se substituer à la gauche qui s’est dérobée dans le vote macroniste.

On aurait espéré, à défaut de mobiliser la gauche sur l’unité républicaine, que le président s’adressa au pays dans son ensemble.

Que nenni, il s’agit pour lui, non d’un problème français, mais d’une crispation identitaire de la droite-extrême qui doit être traitée dans sa presse.

Enfin, il ne déplait pas à l’Élysée d’aller sur les terres de l’adversaire. Tant il est vrai qu’Emmanuel Macron s’installe avec délice dans un bi-campisme lepeno-macroniste. Déjà, certains éditorialistes réduisent la présidentielle au seul clivage identitaires contre libéraux.

Cette interview résume, tout à la fois le peu de cas qu’il fait du sujet, le bi-campisme que le président veut installer en vue d’une réélection, et la certitude qu’il a, que la gauche est durablement hors-jeu et la droite sans ressort réel.

Examinons chaque paramètre de l’équation présidentielle.

D’abord, la France traverse une crise majeure qui combine l’interrogation sur son identité dans la mondialisation marchande et la pérennité de son modèle dans le nouveau monde immatériel. En ce sens, le débat sur l’islam et la république est un révélateur, un symptôme de cet état.

Certes, il y a de la xénophobie, certes, il existe de l’instrumentalisation pour des raisons électorales. Évidemment, les Français de culte ou culture musulmane sont pris en tenaille entre ceux qui veulent qu’ils quittent la France et ceux qui exigent qu’ils rompent avec la République. Certes, le pays est en colère devant les injustices, les inégalités, le chômage, les relégations, le pouvoir d’achat et l’absence de lendemains qui rient un peu : c’est la crise de l’espoir. Mais il y a un trouble français sur ce qui fait l’unité de la nation : la République.

Cette coalition des ressentiments et des haines dont parlait Bernanos.

C’est cela qui fait la question France.

C’est ici que réside les sources du désarroi français.

Qu’est ce qui fait tenir la France ensemble ? Quel est le bien commun ? Quel est notre destin au-delà de l’individualisme consommateur et du tout marché ?

Macron réduit ce sentiment confus sur fond d’interrogation du destin du monde occidental à une crise d’adaptation à la modernité du marché.

Et, il conçoit son rôle vis à vis des Français à celui des parents plus ou moins sévères intimant à des ados de ranger leurs chambres.

Lorsque Macron est venu à Rouen pour voir de près les conséquences de la catastrophe écologique due à l’incendie d’une usine, un homme s’est approché de lui en lui reprochant, avec beaucoup de respect de ne pas être venu plus tôt : " votre présence au lendemain de la catastrophe nous aurait rassurés. "

C’est le rôle que confèrent nos institutions à nos présidents.

Nous touchons là le cœur de la mission présidentielle : incarner la nation dans l’épreuve. Et nous vivons bien une épreuve dans la civilisation. Les mots d’Emmanuel Macron sont parfaitement entendables, mais prononcés dans Valeurs actuelles, ils perdent leurs signifiants. Le support devient le message : ce n’est pas le problème de la Nation, mais de l’extrême-droite.

C’est d’ailleurs exactement la même rhétorique que celle de la France insoumise.

N’est-ce pas un peu plus compliqué que cela ?

Il ne faut pas congédier le problème. Il faut l’affronter dans toutes ses dimensions. J’ai tenté de le faire dans mon dernier ouvrage « Le dîner des Présidents » à propos des territoires, des populations et de la légitimité.

Oui, il faut plaider pour le patriotisme républicain. Oui, une refondation républicaine est nécessaire. Oui, elle doit s’articuler autour de l’intégrité humaine et avec comme but la société décente. Oui, l’économie de l’immatériel doit être domestiquée. Oui, le marché libéral a un coût social et écologique terrifiant pour nos populations. Oui, la démographie mondiale dans ces conditions n’a pas fini de percuter nos pays.

C’est à ce niveau de dessein que l’on attend le président de la République. Sinon, le régalien devient vite un truc éventé.

Il y a un discours à tenir à notre pays : ce sont nos valeurs qui gagnent et l’obscurantisme qui recule. C’est la raison pour laquelle il se fait violent. La France et même l’Europe a une conception éthique de l’économie de l’immatérielle. La France porte en Europe une haute exigence écologique et sociale.

Ensuite faut-il, pour le président et à travers lui pour la République, installer le match avec Marine Le Pen ?

Loin de moi de sous-estimer le danger. J’ai écrit dans ce blog combien je redoutais la prochaine présidentielle, même si je ne confonds pas ce funeste pronostic avec les municipales où le raz de marée de l’extrême droite est peu probable. Mais je vois mon pays, et j’observe ce qui monte en Europe et les tendances lourdes à l’œuvre dans les manifestations de colères dans le monde.

Il y a dans cette stratégie de grands dangers. Parce qu’elle s’accompagne d’un « moi ou le chaos » qui peut se retourner contre l’auteur. Parce que cette attitude fait de Marine Le Pen le seul vote sanction. Parce que dans un pays passablement énervé, le jeu n’est pas sans risque.

On ne contraindra pas les Français à voter au second tour de la présidentielle le pistolet lepéniste sur la tempe.

Quand on est à 70 % de rejet du président de la République, comme une constante dans les sondages d’opinion, on ne parie pas sur l’idée que les Français n’auront pas d’autres choix.

Le rejet des élites est trop grand, le pays trop amer pour croire à la toute-puissance de l’incarnation républicaine par un président sortant.

Nous avons trop la certitude que cela n’arrivera pas à cause de la ligne Maginot de notre histoire. Prenons garde à ce qui bout dans les tréfonds de notre pays, socialement ou politiquement.

Enfin, l’attitude d’Emmanuel Macron vis à vis de la gauche sociale ou politique est un non-sens, à la fois pour celui qui professe le « en même temps » et pour le président qui aurait, s’il était au deuxième tour de la présidentielle et la gauche éliminée, besoin de son soutien.

La décomposition de tous les corps intermédiaires et des vecteurs politiques, détruit toute capacité à une prescription quelconque de ces derniers sur le plan électoral.

Certes, le président voit la division de la gauche et son incapacité à offrir la perspective d’un nouveau chemin. Mais la stratégie du mépris provoquera en retour le même sentiment.

À l’évidence, la droite, elle est sans oxygène entre Marine Le Pen et son souverainisme xénophobe, et Emmanuel Macron et son libéralisme pro-marché qui, pour lui, ne pas se soucier de la gauche tout en absorbant la droite semble le credo du président pour se présenter comme seul rempart face à l’aventure.

Mais la France n’est pas une entreprise que l’on gouverne, en sachant qu’en dernier ressort, nul n’a la capacité de contester le bon vouloir de celui qui la dirige.

Socialement, politiquement le pays n’aime pas le moment qu’il traverse.

Le président s’en méfie ou l’ignore, nul ne sait ou alors cela dépend des moments.

Las, le pays a vu son président lui dire : « Ce n’est pas mon affaire », à propos du voile. Ce qui signifie votre problème n’est pas le mien : redoutable en termes de psychologie sociale

Puis se pensant extrêmement habile, le président à condescendu à s’exprimer dans l’organe de la fraction la plus radicale du pays sous entendant, entre moi et l’extrême droite il n’y a rien.

Si ! Il y a un pays ! Il n’a pas encore choisi et regarde.

Mais le choix d’Emmanuel Macron, lui, est lourd de conséquences.


 

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