DANS LE JDD : "POUR 2022, JE NE ME SENS PAS HORS-JEU"

L'ancien premier secrétaire du Parti Socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, publiera jeudi un  sur la "République impartiale". A moins d'un an et demi de l'élection présidentielle, il livre son analyse sur la situation de la gauche. 

Jean-Luc Mélenchon candidat depuis une semaine, Yannick Jadot sur la ligne de départ mais empêché par son parti EELV, François Hollande plus présent que jamais et Arnaud Montebourg de retour : pas de doute, la présidentielle de 2022 est déjà dans les têtes. Gourmand d'analyses, l'ancien premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis pose son regard sur cette période. A ses yeux, personne ne correspond au candidat parfait. De quoi lui laisser un espoir? "Je ne me sens pas hors-jeu", nous dit-il.

Cambadélis sortira jeudi prochain un texte sur la "République impartiale", son nouveau crédo et une nouvelle petite pierre dans la construction de sa candidature.

On assiste aujourd'hui au morcellement de la gauche. Cet éclatement ne porte-t-il pas en lui l'absence de cette famille politique au second tour de la présidentielle de 2022?

Tout à fait. Mais la crise de la gauche vient aussi de l'absence de réponses politiques à la hauteur des crises que traverse notre pays. La France va mal et la République est menacée de tous les côtés. Elle connaît mille et un maux : le Covid, le terrorisme, les violences urbaines, les plans sociaux, le communautarisme, le précariat... La République doit aussi faire face à un vent mauvais d'hystérie identitaire pendant que le libéralisme continue à faire des ravages. Si la gauche n'apporte aucune réponse à ces questions, elle passera à côté de son époque et sera marginalisée pour longtemps.

Que préconisez-vous?

Entre l'hystérie identitaire, le populisme et le libéralisme, il y a la "République impartiale". C'est un chemin nouveau pour le pays, autour d'un contrat social et écologiste. Cette "République impartiale" doit reposer sur trois piliers : l'égalité réelle, la liberté ordonnée, la fraternité laïque.


"Depuis 2017, Jean-Luc Mélenchon a préféré la marginalité au rassemblement"



Après son score de 2017, Jean-Luc Mélenchon n'est-il pas le plus légitime à rassembler la gauche?

Jean-Luc Mélenchon n'a pas la sagesse d'un Bernie Sanders soutenant Joe Biden contre Donald Trump. Il n'a pas la sagesse de celui qui veut le rassemblement de son camp. On ne peut pas décréter l'urgence écologique et sociale et pratiquer le "c'est moi ou ce n'est rien".  On ne peut dire "la gauche, c'est moi" et ne consulter personne avant de se déclarer candidat. Depuis 2017, Jean-Luc Mélenchon a préféré la marginalité au rassemblement. Ce choix politique ne lui permet pas de proposer une offre centrale, capable de gagner. Lors de la dernière présidentielle, il s'est construit contre le PS, en surfant sur la vague des "frondeurs". Il apparaissait comme une voix de contestation, mais aujourd'hui, il n'apparaît pas comme la voix qui offre les solutions pour sortir le pays de l'effondrement. 

Certains de ses proches espèrent qu'Arnaud Montebourg se lance. Y-aurait-il une logique à cela?

Si Jean-Luc Mélenchon a accéléré sa déclaration de candidature, c'est qu'il sentait qu'Arnaud Montebourg accélérait aussi. Montebourg est toujours quelqu'un d'intéressant à écouter. Je l'ai toujours respecté. Parfois je l'ai aidé, même si je n'ai pas apprécié son soutien à François Hollande face à Martine Aubry lors des primaires. Je n'ai pas non plus aimé son complot pour imposer Manuel Valls comme Premier ministre, face à Jean-Marc Ayrault. Montebourg dit réfléchir à 2022. Nous verrons bien. Il entre dans un âge où il faut gagner, plutôt que d'essayer de s'imposer. Le débat n'est pas de savoir qui de Mélenchon ou de Montebourg incarnera un souverainisme dit "de gauche", mais de conjurer la catastrophe imminente.  


"La démarche commune et collective n'a pas l'air d'être celle que souhaite les écologistes"



Yannick Jadot veut construire le rassemblement des progressistes entre Mélenchon et Macron, le peut-il?

Le problème de Jadot est que ce qu'il pense, ce qu'il dit et ce qu'il propose ne sont pas ce que les écologistes veulent. Soit il y aura une candidature unique de la gauche et des écologistes, avec un mode de désignation unique et dans ce cas Yannick Jadot, comme d'autres, peut proposer un débouché. Soit cette candidature unique n'a pas lieu et alors je suis favorable à un candidat défendant la "République impartiale", quoi qu'il en coûte en ce qui concerne les voix. Mais je constate que la démarche commune et collective n'a pas l'air d'être celle que souhaite les écologistes.

Pour les socialistes, Anne Hidalgo n'est-elle pas la mieux placée?

Anne Hidalgo peut être la première femme présidente de la République. Mais je la crois très attachée à sa mission pour faire de Paris la Ville Lumière de l'écologie. Il faudrait que la gauche et les écologistes s'unissent pour qu'Anne Hidalgo se détourne de cet engagement et consente à porter sa candidature devant le pays. Constatons que, pour cette fois, ce n'est pas encore gagné. 


"La principale qualité de François Hollande, c'est la lucidité"



François Hollande semble de plus en tenté par 2022. Que pensez-vous de ce retour sur la scène politique et médiatique?

La principale qualité de François Hollande, c'est la lucidité. Il n'a pas renoncé à être candidat en 2017 pour témoigner en 2022. Mais il serait ridicule de se passer de son expérience. Avec le recul, son bilan supporte largement la comparaison avec celui de Nicolas Sarkozy et d'Emmanuel Macron.

Comprenez-vous ce qu'il veut dire lorsqu'il parle de dessiner une nouvelle force politique?

Il faudra qu'il le précise. Pour ma part, je pense qu'il faut construire de nouvelles idées et un nouveau rassemblement pour faire émerger un candidat à la présidentielle. Les offres de centre gauche sont en capacité de se dépasser et de se réunir pour créer un Printemps de la gauche ou un nouvel Epinay. C'est à cela qu'il faut travailler. Il ne s'agit pas de se mettre sur le marché des présidentiables en attendant d'être adoubé.


"Pour cette élection, il faut une ambition et des circonstances"



Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, n'a-t-il pas donné un nouveau souffle à votre parti?

Lorsqu'il est arrivé, la tâche était rude et l'action complexe. Il a pris acte de la difficulté à imposer l'unité avec les autres partis, comme il souhaitait le faire. Il propose désormais au PS de travailler d'abord sur son identité nouvelle pour pouvoir ensuite parler d'unité. Je m'en félicite. Mais s'il veut aller au bout de sa réflexion, il devra aussi changer la marque PS.


Je publierai jeudi 19 novembre un Mémorandum sur la "République impartiale"



Quel rôle comptez-vous jouer dans cette reconquête?

Avec mon réseau, nous avons défini ce que serait une nouvelle société répondant aux crises qui touchent notre République. Je publierai jeudi une nouvelle contribution sur la "République impartiale", qui pour moi est la solution aux maux que nous connaissons. Ce dont la France a besoin, c'est d'un chemin de sortie de crise. Aujourd'hui, à gauche, les prétendants à la présidentielle sont nombreux, et je ne me sens pas hors-jeu. Pour cette élection, il faut une ambition et des circonstances. On peut les préparer, pas les imposer. Je les prépare, je m'y prépare.

 

Jean-Christophe Cambadélis