« Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir » dit la formule

La commémoration du 80e anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv restera probablement dans l’Histoire de France car les mots du Président de la République permettent de nommer ce qui caractérise notre temps. Ils s’ajoutent à ce qu’avait dit Jacques Chirac en 1995 et François Hollande en 2012 établissant la responsabilité du régime de Vichy qui avait agi « contre » la France puisqu’il s’agissait d’une trahison des idéaux du pays des Droits de l’Homme. 

Pour le Président Macron, il fallait rappeler la responsabilité de la France vichyste et le contexte de notre temps, nouveau et dangereux : l’antisémitisme plus violent et débridé et les tendances négationnistes qui s’expriment de l’anonymat des lâches sur les réseaux sociaux au champ politique, ce qui témoigne de la confusion des esprits de l’ignorance, ce qui nourrit toujours les spirales de haines. 

L’antisémitisme n’a pas disparu, il mute, s’acclimate et il sait se camoufler. Comme toutes les autres formes de racisme, il est incompatible avec l’idée qu’on se fait de la gauche, mais il ne suffit pas de dire qu’on est « contre » l’antisémitisme, il faut « agir » en permanence et sans « mais » ni « en même temps » contre l’antisémitisme et toutes les autres formes de racisme et de discriminations, sans hiérarchie ni calculs ni préférences. 

Ces deux jours de commémoration, qui sont aussi des jours de recueillement, ont été souillés par plusieurs expressions mêlant l’approximation, la confusion, l’incapacité à nommer les gens ou les choses et à instrumentaliser l’Histoire dans ce qu’elle eut de plus horrible pour relire l’actualité politique du moment, faisant dans l’amalgame, voire la diffamation. 

Ayant à l’esprit, la colère de Robert Badinter qui avait admonesté les lazzis contre François Mitterrand lors de la commémoration de 1994, il nous a semblé qu’il ne fallait pas se tromper de moment. 

Maintenant, nous pouvons dire ce que des hommes et des femmes de gauche ne peuvent taire quand leur camp, celui de la justice et du refus de tout racisme et de toute discrimination, fait fausse route. 

Ce qui s’est produit en marge des commémorations en dit long sur les errements d’une gauche qui cède aux sirènes de la radicalité pour la radicalité et qui, ce faisant, tourne le dos à son histoire et à son devoir. 

« Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir » dit la formule. Qui n’est pas ancré dans sa mission historique, ne peut répondre comme il faut aux défis du moment ni à ceux de demain. Nous ne pouvions nous taire, d’ailleurs, nous ne nous tairons plus. 

Lorsque fut scellé l’accord qui lie le Parti socialiste, le Parti communiste, les écologistes et La France Insoumise, il y avait toutes les nuances allant de l’hostilité au pragmatisme opportuniste en passant par toutes formes de réticences. Certains, au nom de l’unité, pensaient que le jeu en valait la chandelle. 

Le tweet de la présidente du groupe LFI fait suite à la qualification imprudente de la Première ministre de « rescapée » qui elle-même fait suite à la provocation qu’était d’inviter la seule personnalité européenne volontaire pour soutenir une candidate LFI aux législatives à Paris, qui se trouvait être la plus controversée, sanctionnée par le parti qu’il avait dirigé pour avoir été complaisant et inactif face à l’antisémitisme qui montait dans le Labour britannique, indique bien qu’il y a une gauche, radicale, qui a fait le choix de ne plus faire de l’antisémitisme un de ses combats. En cela, cette gauche s’éloigne de la gauche, tournant le dos à un de ses combats historiques. 

Il est loin le temps des mobilisations unitaires antiracistes qui, de l’extrême gauche au centre gauche, ne faisaient pas de tri dans les mots d’ordre ou les signataires des appels parce que tout le monde était toujours au rendez-vous, malgré les nuances d’approche.

Il n’est pourtant pas si loin le temps où, le Parti socialiste condamnait les manifestations où l’on criait « A mort Israël ! » ou « Israël assassin, Hollande complice ». Ce temps où le Parti socialiste organisait un rassemblement contre l’antisémitisme auquel d’ailleurs tous les partis républicains s’étaient logiquement ralliés. 

Le Premier secrétaire du parti socialiste qui doit s’y reprendre à deux fois pour exprimer sa position à l’occasion du 80e anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv et le fait que la présidente du groupe LFI trouve le moyen d’établir un lien avec Emmanuel Macron, Philippe Pétain et les 89 députés d’extrême droite en dit long sur les tics du moment. 

Rien ne doit alors échapper à cette machine infernale, ni la mémoire et surtout pas l’unité du pays. 

L’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction, cela consiste à ne pas opposer les intérêts de son parti à ceux du pays, cela passe par une attitude et une façon de parler : élever les consciences et éduquer les esprits par le choix des mots justes en toute circonstance. 

Le confusionnisme affaiblit la République et il mine la démocratie et il n’y a rien d’utilement révolutionnaire dans des blessures infligées par des mots à des victimes et à leurs familles dont le seul crime fut d’avoir été « fichées » comme ennemies par des ennemis de la France des Lumières et des adversaires de la République. 

Si la gauche veut être elle-même, elle doit être en premier en ligne des combattants contre le racisme et l’antisémitisme comme toutes les injustices sociales. Seulement ainsi, elle sera fidèle à son histoire et crédible pour proposer aux Français un chemin pour un avenir meilleur. C’est ce à quoi nous travaillons.