Les municipales sont d’abord marquées par le niveau historique de l’abstention. Le pays est en proie à une grande lassitude démocratique. Les maires, qui furent loués pour leur dévouement lors de la pandémie du Covid-19, et dont on disait qu’ils étaient les mieux élus de la République, ont été rattrapés par l’abstentionnisme de masse.
Le délitement
Les municipales sont d’abord marquées par le niveau historique de l’abstention. Le pays est en proie à une grande lassitude démocratique. Les maires qui furent loués pour leur dévouement lors du Covid-19, eux, dont on disait qu’ils étaient les mieux élus de la République ont été rattrapés par l’abstentionnisme de masse. En 2014, la participation était de 54%. En 2020 l’abstention est de 60 %. On ne peut réduire ce fait marquant, structurant, à un phénomène conjoncturel dû au Covid-19 et au temps de latence entre le premier et le second tour, en passant par l’absence de LREM à sanctionner au second tour.
Il s’agit de la manifestation électorale d’une désaffection globale. Nous vivons une forme de délitement français. Après la crise des gilets jaunes, les révoltes sociales, les violences urbaines, le lent affaissement de l'État, la Santé, la Justice, la Police, les 500 000 chômeurs en plus, la crise du consentement à l’impôt ou tout simplement aux mesures de prévention routière, il s’agit-il d'un symptôme supplémentaire. Il ne saurait être sous-estimé au nom de l’analyse électorale
Une lassitude française, qui n’annonce rien de bien pour notre pays, au moment où il doit faire face à de nombreux défis et principalement à la récession économique.
L’isolement du président de la République, son revers sans appel lors de ce scrutin sont d’autres affaissements. Le fait qu’Emmanuel Macron ait en personne adoubé Gérard Colomb raisonne comme un désaveu. Les transfuges socialistes n’ont pas été performants. Fousseret à Besançon a lâché sa ville. Et Le Drian en Bretagne a perdu la sienne (Lorient). La fiction du "en même temps" s’achève. LREM est sans force enfermée dans le couloir du centre droit. Cette situation est d’autant plus redoutable que, combinée au délitement général, ce ko de LAREM donne à la situation politique un aspect imprévisible.
Dans ces conditions, le Président devrait tout changer. En a-t-il la volonté ou les moyens politiques ? Coincé, il est entre un premier ministre en position de force et les exigences de la lutte contre la récession. Il est peu probable que l’écolo-libéralisme qu’il veut promouvoir soit une solution durable pour le pays.
La provincialisation de la droite
La Droite conserve son statut de premier parti pour son implantation dans les collectivités locales. Christian Jacob a raison : la droite représente 55% des villes de plus de 35 000 habitants. Mais, pour la première fois de son histoire, la droite ne dirige quasiment pas de grandes métropoles à part Toulouse, Nice et Toulon. La perte de Bordeaux et de Marseille est symbolique de ce phénomène.
La France urbaine a quitté la droite. Elle, qui semblait en position de force pour la prochaine présidentielle, voit dans ce scrutin un obstacle de taille. Elle est, non seulement prise en tenaille entre l’offre centre-droit d’Emmanuel Macron et de l’extrême droite de Marine Lepen, mais est sociologiquement coincée entre, une France urbaine qui ne la reconnaît pas, et une France rurbaine et rurale qui proteste avec le Rassemblement national.
La Droite qui est très divisée n’a plus le socle politique lui permettant d’unir la France.
Le métropolisation de l’écologie
La percée des écologistes dans le cœur des métropoles est remarquable et, pour le moins, médiatiquement remarquée.
Les victoires de Bordeaux, Marseille, Lyon et Besançon sont spectaculaires. Même si elles sont dûes en partie à l’alliance avec la gauche. Le fait de battre la droite au second tour est un phénomène nouveau.
La victoire à Poitiers, dans une moindre mesure à Strasbourg dans la confrontation avec le PS, ne gomme pas la défaite à Rouen, Nantes, Rennes, Brest, Montpellier, Nancy, Paris, Lille ou Dijon au premier tour. Mais la percée indique que l’écologie se hisse au niveau d’un parti capable de rassembler pour gagner au second. Il n’y a pas là l’équivalent de la rupture de représentativité entre le Parti Socialiste et le Parti Communiste en 1977 où ce dernier avait été supplanté par le Parti Socialiste. Mais il s’agit de l’amorce d’un rééquilibrage et surtout d’une dynamique gagnante. La percée écologiste et la poussée de la gauche ré-ouvrent les champs du possible
Les verts d’EELV s’imposent comme une force de cœur des métropoles incontournables dans la victoire de la gauche. Ils l’étaient déjà depuis 2002 et la gauche plurielle, voire la victoire de Marie-Christine Blandin lors des régionales de 1992.
Mais ils peuvent prétendre « prendre le jeu » comme on le dit au football à leur propre compte.
Pour autant, ils sont confrontés à deux sujets majeurs : l’aspect ultra-urbain de cette implantation et la difficulté à imposer une écologie de gouvernement.
La prise des métropoles va obliger les écologistes à une mutation : le passage de l’offre écolo protestataire à l’écologie de gouvernement. Le discours d'intention hégémonique le soir du scrutin va vite trouver ses limites au regard des défis sociaux et de la sociologie. Les écologistes devront rompre avec la décroissance et l’attitude libertaire dans la crise de société et sociale que nous traversons. Sinon, le sondage plaçant Yannick Jadot à 8 % à la présidentielle pourrait bien se confirmer.
La convalescence socialiste
Le Parti socialiste conserve sa place de deuxième parti en termes d’implantation locale et premier parti de gauche en ce domaine. Les conquêtes de Nancy, Montpellier, St Denis etc., la percée socialiste dans l’Ouest à l’exception notable de Poitiers, la victoire de Martine Aubry réussissant son pari sans les écologistes, le retour du Parti Socialiste dans les fourgons des écologistes à Bordeaux, Marseille, Lyon, Besançon, tout ceci atteste, non d’un grand cru mais d’un bon cru électoral.
Fût-il conquis à bas bruit ?
Tous ceux qui ont parié sur l’effacement du Parti socialiste ont eu tort. Il se conforte comme force nationale.
Mais, celle-ci est l’arme au pied et, faute de redéfinition pour une nouvelle attractivité, elle peut rappeler la SFIO.
Le bloc social écologique est une bonne formule mais elle doit être réelle et vertébrée. Il n’est pas certain que le Parti socialiste doit abdiquer tout offre politique pour espérer exister en tant que partenaire junior d’une coalition Vert-Rose. Cela ne serait pas rendre service à la coalition. Il y a un besoin urgent d’identification sans rompre l’union.
Il faut écologiser la gauche et social-démocratiser l’écologie, si les gauches veulent se hisser au niveau d’un destin commun dont la France en crise a besoin.
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