Le spectacle est fascinant, le symbole tout autant. Macron dans l’Aude pendant qu’Édouard Philippe annonce son voyage au Vietnam. Il y a comme un passage. Comme les courbes qui se croisent en politique.

Macron patauge littéralement : l’abîme des sondages, le flop du remaniement, le crash du discours du deuxième souffle.
Les candidatures se multiplient pour la direction d’En marche ou pour la mairie de Paris.

Les éditorialistes éreintent par rafales le Président, comme hier ils criaient au génie.
Son parti : La République en marche se penche doctement sur ce qui fonde sa nature politique. Après 18 mois de gouvernement, il était temps.

Son alliance européenne qui vient de voir l’arrivée de Renzi ne fait pas le buzz. Elle ressemble à une O.P.A. centriste de Verhofstadt.
Son soutien se réduit à Bayrou qui se permet de sous entendre "J’ai le Président tout le jour au téléphone" comme si Macron était à ce point perdu qu’il fallait lui tenir la main.
Sa femme - on va jusque là - serait partie pendant l’affaire Benalla. Et on susurre dans les gazettes qu’elle se serait écriée : “ça suffit les conneries ! ” Sans que l’on sache l’origine de cette réprimande toute professorale.

La croissance n’est pas là, mais les Français voient croître leurs impôts et stagner leur salaire.
Tout à coup c’est le constat !

Macron a perdu la main et même la communication qui va avec.
Tout apparaît comme boursoufflé, daté, sans ce vent frais du renouveau, qui faisait le succès d’hier.
La politique ayant horreur du vide, déjà Édouard Philippe s’envole comme hier Raymond Barre s’envolait au détriment de Giscard...
Le même Giscard ayant aujourd'hui la dent de plus en plus dure pour l’actuel locataire de l’Élysée, pendant que Juppé et Raffarin ne tarissent pas d’éloges pour Édouard Philippe.
On entend dans les cercles patronaux que "Édouard " tient la baraque. On loue ici ou là son calme. Et les sondages confirment le désamour pour Macron et la résistance du Premier ministre.

Pondéré, discret et efficace, le Premier ministre a eu la peau de Gérard Collomb. Ce dernier avait affublé Édouard Philippe du sobriquet : "son altesse sérénissime Édouard Philippe Ier " C’est que sous l’apparent détachement couve une ambition.
La stratégie du coucou est admirablement jouée. Aucun reproche, aucune anicroche, rien ne peut lui être reproché en macronie.
Le Premier ministre s’est même permis de souligner son attachement affectif et politique à....Alain Juppé !
L’Histoire ne dit pas comment Macron a pris cela. Mais c’est dire combien Edouard Philippe se sent inattaquable dans le moment présent.
Par contre l’Histoire dit assez aisément la suite. Les Présidents même faibles tolèrent rarement les Premiers ministres populaires. Encore moins ceux qui donnent l’impression de tenir la maison France.

Les égratignures perceptibles pendant le remaniement vont devenir gangrène.
Édouard Philippe fera tout pour l’éviter, mais la France est dirigée par un enfant aussi brillant que capricieux.
Alors, alors ?

Alors, La bataille commence. Elle annonce un nouveau chapitre de la lente décomposition politique de la France.
Car le Premier ministre ne peut gagner et le Président s’y perdra un peu plus.