Voilà, c’est fait ! Derrière l’apparence du grand débat en Gironde, au moment où le maire de Bordeaux quittait sa charge, nous avons assisté à la fin de la mue « macronienne » ;

Alain Juppé a loué la capacité d’écoute du président et a souhaité que les européistes gagnent les élections européennes ; il a petit-déjeuner avec le président et lui a passé symboliquement la main. Il y avait comme le lointain souvenir de Chaban-Delmas cloué dans son fauteuil, accueillant Jacques Chirac et passant de fait le témoin à Alain Juppé. 

Alain Juppé a passé le témoin d’une famille politique à Emmanuel Macron. En cet ultime jour pour Alain Juppé, le président a terminé son évolution ; parti de la gauche, évoquant le progressisme, cherchant à briser les partis, choisissant le porte-parole de Juppé aux primaires de la droite, Édouard Philippe, comme premier ministre, développant une politique économique de centre droit. 

La rencontre sous la verrière de la préfecture avait tout d’un aboutissement et d’un adoubement. Il est d’ailleurs probable qu’Emmanuel Macron et qu’Alain Juppé ait pensé l’événement comme cela. 

Tout au plus, l’ex maire de Bordeaux a souligné la nécessité de prendre en compte une culture girondine. La France vaut bien une messe et Emmanuel Macron a endossé cette part de l’héritage d’une droite européiste, libérale, et régionaliste.

C’était un moment d’histoire qui allait bien au-delà du débat ; la rencontre d’un homme en évolution avec le dépositaire de la droite libérale. Emmanuel Macron est maintenant, au même titre que François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin ou Édouard Philippe, le porte étendard de cet espace. Ce qui interdit à droite et à gauche de prendre son double tempéré pour tenter de le battre. C’est un peu comme si on avait espéré un général pour battre De Gaulle.

Mitterrand était un homme de droite qui a réussi à s’imposer à la gauche. Emmanuel Macron est un homme venant de la gauche s’imposant à droite ; en tous cas, à une famille fondée par Antoine Pinay puis Valéry Giscard d'Estaing.

Certes, le premier a eu des faiblesses pour Pétain - il a voté les pleins pouvoirs à Pétain -avant de le combattre et d’œuvrer au retour du Général de Gaulle, et de devenir son ministre des finances ; le second a eu lui des faiblesses pour l’Algérie française avant de prendre la suite de Jean Lecanuet et d’inventer un libéralisme à la française.

Giscard fut aussi l’inventeur de la stratégie de deux français sur trois, rejetant les deux extrêmes ; ce qui n’est pas sans rappeler la lutte contre les populistes d’Emmanuel Macron. 

La veille, à Pessac, une scène fut aussi révélatrice ; une femme « gilet jaune » interpella courageusement le président et tenta en vain de lui faire endosser une forme de “gilet jaune”. On n’était pas le 17 juillet 1989 où Louis XVI mis la cocarde tricolore sur son chapeau mais presque. Cela n’était pas le plus signifiant, c’est l’échange qui s’en est suivi. La femme ceinturée dans son imperméable dit au président : « ne me parlez pas des 10 milliards, répondez-nous ! » avant de conclure « on ne se comprend pas ; j’avais espéré, on ne se comprend pas ».

Tout est là ! Et cette réflexion en dit long sur ce qui vient. 

Nous assistons à des sondages incontestablement en hausse pour le président et en baisse pour les “gilets jaunes”. S’agit-il d’une ré adhésion à Emmanuel Macron ou d’une désaffection vis-à-vis des gilets jaunes ?

Déjà l’électorat de droite avait fait défaut à cause des violences. Mais c’est maintenant près de 14% de l’électorat de gauche qui se dérobent.

Deux images ont fait sens et provoqué la rupture ; d’abord la haine antisémite vis-à-vis de l’académicien Finkielkraut qui a marqué, à juste raison, les esprits ; ensuite les images haineuses, les gestes violents, machistes, vis-à-vis de madame Levavasseur. « Retire ton gilet jaune » cria un manifestant pointant d’un doigt d’honneur l’ancienne tête de liste des “gilets jaunes” aux européennes. 

Une partie de la gauche a pris cet énergumène au mot et a retiré son soutien.

Le rejet des “gilets jaunes” tend - 45 % de soutien quand même - à se substituer au rejet d’Emmanuel Macron. Pour autant, la situation est-elle stabilisée ? un nouveau front va s’ouvrir avec les lycéens sur le climat.

Mais tout se joue sur les propositions du président. 

Le succès du grand débat a créé de grandes espérances. Et, comme l’a dit Alain Juppé, dans ses mots d’adieux à la politique « des espérances contradictoires » souhaitant, non sans humour, bon courage au gouvernement.

Nul doute que le président trouvera trois ou quatre mesures fortes pour répondre. Mais, ce n’est pas un mouvement social classique avec une revendication unifiante. D’un certain point de vu, l’exécutif a déjà mis 10 milliards d'euros sur la table. Certes, il y avait quelques tours de passe-passe dans ces annonces mais quand même !

Emmanuel Macron a appliqué une maxime d’un autre bordelais « je m’avance vers celui qui me contredit » disait Montaigne, le grand débat était fait pour cela.

Mais il est fort à parier qu’il y aura un gap entre les aspirations et les propositions du président de la République. 

Et c’est là que nous serons s’il y a adhésion au nouveau, cour juppéiste, de Macron ; ou, si ayant habilement profité de la radicalité du mouvement, il en a différé les effets.


 

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