Je suis inquiet, non seulement du risque de pandémie du coronavirus et de ses conséquences sur l’humeur des peuples et de leurs économies, mais aussi de la dynamique politique de la France. Je le redis, tout milite pour l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite

Un journaliste me demandait si je n’étais pas « fatigué de plaider la catastrophe imminente ». Je rassure mes lecteurs, il n’avait sûrement pas lu l’ouvrage de Lénine (La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer).

Mais il est probable qu’il voulait dire qu’il ne croyait pas à cette sinistre perspective...

Et pourtant, et pourtant ... Ici et là, des voix s’élèvent enfin. Le président lui-même commencerait à douter. Le Monde fait état « d’inquiétudes à l’Élysée ».  

Comment ne pas sentir un pays dans la colère, le ressentiment, voire la haine ? Comment ne pas comprendre que le dénigrement caustique où au vitriol est devenu un mode d’interpellation ? 

Comment ne pas voir l’anti-élitisme, les détestations, les racismes, l’antisémitisme ? Il y a une hausse de 74 % des actes antisémites et 54 % des actes antimusulmans en 2019. Comment ne pas percevoir une société qui se délite, l’intérêt général qui se perd, la solidarité qui s’estompe ?

Avec la perte de l’espoir et le scepticisme en sautoir, les Français critiquent tout et son contraire. Ils ont fait d’Emmanuel Macron et de son exécutif la tête de turc de tous les maux. 

Il faut dire que si le chômage recule, la précarité, la pauvreté, le mal-logement, la fracture sanitaire ou alimentaire progressent.

Ce n’est pas parce que la France ne ressemble pas à l’Allemagne des années 30 que ce contexte ne pèse pas sur le climat politique. 

Et je l’ai déjà déployé : le contexte culturel est en résonance avec la fracture ou la facture sociale du libéralisme. 

Lorsque la droite politique et culturelle classique croit subtile de scander face au coronavirus « rétablissons les frontières », elle ouvre toute grande les portes du national-populisme. Lorsque qu’un éditorialiste de droite va plus loin indiquant qu’il faut parler des frontières et des mélanges, il se transforme en agent électoral des tenants de la préférence nationale.  

C’est non seulement une folie stratégique mais une aberration sanitaire. La critique ne doit pas porter sur la fermeture des frontières mais sur l’absence de coordination européenne. Nous faisons avec l’Italie sur le coronavirus ce que nous avons fait sur les migrants.  

Le chacun pour soi n’est pas un antivirus. Le fait que le débat s’impose de cette façon en dit long sur l’état de l’opinion.  

La désagrégation politique est un facteur aggravant. Allons au-delà des truismes, les écolos se porteront bien dans les métropoles et LREM va prendre une raclée.  

Après un tour de France, je constate dans les villes de moins de 50 000 habitants le désert politique français. Les écologistes sont inexistants ou fondus dans les collectifs citoyens. La République en Marche tout autant ainsi que LFI. Les Républicains et le Parti socialiste encore présents présenteront moins de listes qu’aux dernières municipales. On évoque même 2000 communes sans candidats : l’autre extrême droite fascisante et le revendiquant, en fait son objectif d’implantation (il suffit de présenter une liste pour être élu). 

Cette constatation révèle le clivage entre ceux qui font le débat et le pays. Il y a un aspect hors sol au débat français. Non dans les thèmes abordés, mais dans la réalité électorale et donc sociale de ceux qui sont censés « représenter ». 

Le débat parlementaire sur les retraites est coupé du pays. L’Assemblée était déjà un pouvoir sans pouvoir. Elle est coupéOn évoque à raison que les Français ne souhaiteraient pas d’un nouveau débat Le Pen - Macron. Évidemment, les deux sont rejetés à 70 % (ce qui rend bien le deuxième tour incertain) ; mais le problème reste que le RN est au-dessus de 20 % et les autres bien en dessous. Certes, Emmanuel Macron est le plus facile à battre pour Marine Le Pen. Mais on ne voit pas à cette étape qui pourrait unir le pays.  

D’autant que la droite dérive à droite comme nous venons de le voir et la gauche est atomisée façon puzzle.

Je suis donc inquiet. Il n’y aura pas beaucoup de temps au lendemain des municipales pour travailler à un renouveau à gauche, pour créer le parti du 21ème siècle comme vient de le déclarer Olivier Faure sur Sud radio. Et pour travailler à la fédération des gauches et des écologistes, la gauche détient les moyens de conjurer cette catastrophe démocratique qui s’avance. Il faut opposer aux désespoirs du toujours moins l’espoir du renouveau d’un autre chemin conduit autrement

La question n’est pas, n’est plus de souligner la responsabilité macroniste dans l’état des choses mais bien de réfléchir aux moyens d’éviter le KO démocratique annoncé.  Car l’arrivée de l’extrême droite n’est pas un problème au regard de la France républicaine. C’est bien celui de l’annonce d’un chaos politique pour la France. 


 

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