La République est notre bien le plus cher. L’égalité, évidemment réelle, la liberté, assurément ordonnée et la fraternité laïque sont les valeurs qui fondent la France.  

Le premier acte qui constitua la Nation souveraine, fut la défense du chevalier de la Barre condamné à la mort par l’absolutisme, pour avoir refusé de retirer son chapeau devant une procession religieuse et défendu par Voltaire et Diderot au nom du refus du sacrilège et le droit au libre arbitre.  

Le libre arbitre ! Sans lequel il n’y a pas de démocratie. Cette liberté de conscience que la République garantit et qui fait le message universel de la France. 

L’actuelle controverse française sur le grand remplacement, l’islam, l’islamophobie …etc tend à la remettre en cause.

Les prises de position s’enchaînent, le débat se déchaîne. Les esprits s’échauffent, les camps se constituent, la confusion règne et l’esprit républicain, lui, s’estompe.

Alors soyons clair !

On ne peut défendre la République avec les tenants du grand remplacement. Comme on ne peut combattre la haine des musulmans avec ceux qui haïssent la République. 

Le bâton de la République doit être droit : ni suprématisme blanc, ni séparatisme au nom de l’islam. 

Fort de ces principes simples, bâtissons notre discours républicain. 

La France, comme les pays occidentaux, est en proie à une interrogation identitaireLa faute, ne l’oublions jamais, est due au libéralisme mondialisé, et à sa société du tout marché, mais aussi à la montée des inégalités, des relégations, de la précarisation ou des ghettos de pauvreté, voire du chômage de masse, dans un monde sans autre but que la consommation. 

Cela explique, mais ne saurait excuser les dérives identitaires des temps modernes 2.

Notre identité est citoyenneté et notre patriotisme est républicain. 

Cette identité ne nie pas les autres, elle permet leurs libres existences. Car si un particularisme s’érige en absolu, alors c’est la liberté de tous qui est en cause. 

Au nom de l’identité française, l'extrême droite, la droite extrême et les identitaires de tout bord estiment la France menacée par l’islam qui remplacerait sa culture.

Les Français pratiquant l’islam, ne représentent que 40% de la population de culture ou d’origine musulmane. Sur ces 40 % seulement un tiers plus 13 % confèrent au Coran un rôle prescripteur de leur vie. Et seulement quelques dizaines de milliers sont sous la domination de groupes leur demandant de se séparer de la République et vivre selon les préceptes du Coran, à l’exclusion de toute autre loi. 

C’est une réalité qui il ne faut pas négliger, qu’il faut combattre, mais qui ne présente pas réellement un remplacement. 

Au contraire nos valeurs nos principes dominent. L’hybridation fait son œuvre dans cette communauté, alors les intégristes se radicalisent. Le séparatisme au nom de l’islam, c’est à dire la volonté de rompre avec la République pour vivre selon le Coran, est la réplique minoritaire à cette tendance lourde. 

Il y a des femmes qui portent le voile dans certains quartiers. Comment le nier. Il y a des hommes qui refusent les vêtements occidentaux. C’est une évidence. Il y a des intégristes de tout poil. Même s’ils ne sont pas légion, ils sont concentrés dans certains quartiers. C’est visible. 

Mais combien de quartiers sur la totalité des quartiers populaires ? Symbole de la soumission des femmes, il est vrai. Pourquoi ne regarder que le voile et ne pas voir les 90 % de femmes de la communauté musulmane qui ne le portent pas ? Quand bien même certaines d’entre elles ne supportent pas sa remise en cause.

En regardant les femmes dénudées dans les magazines, sur les écrans publicitaires ou au cinéma a-t-on l’impression de vivre à Riyad ou à Téhéran ?

Les anti-islam primaires nous disent : « le Coran ne sépare pas le spirituel du temporel politique ». Ce n’est pas la seule religion, même si la sécularisation a fait son œuvre pour les autres. Mais sur ceux qui sont pratiquants, combien de musulmans ne reconnaissent pas nos lois ?

Alors pourquoi faire d’une minorité réelle une majorité fictive ? La surinterprétation est suspecte d’autre chose.

C’est aussi s’avouer déjà vaincu. Alors que nous sommes en train de vaincre, et pas seulement sur le terrain militaire. Le grand remplacement est non seulement inapproprié, mais c’est la théorie de perdants éperdus. Au point que l’on peut s’interroger sur le fait s’il ne s’agit pas d’emprunter au différentialisme culturel de Claude Lévy Strauss, pour substituer au racisme biologique un suprématisme culturel.

Cela veut-il dire pour autant qu’il n’y a pas de risque ? Oui, la République est toujours un enjeu !

Et les minorités agissantes veulent toujours devenir majorité régnante. Pour les combattre, il faut faire le bon diagnostic et définir une bonne stratégie 

Doit-on, comme le suggèrent les tenants du grand remplacement, faire de 4 millions de Français d’origine ou de culture musulmane, les ennemis de l’intérieur ? 

C’est non seulement criminaliser une communauté, mais c’est se rendre complice de sa fraction la plus radicale.

C’est précisément ce qu’attendent les séparatistes musulmans. 

L’enjeu entre nous et cette petite minorité est bien nos compatriotes musulmans. Et le seul moyen de protéger les uns et d’isoler les autres c’est de défendre l’esprit républicain. 

Et c’est précisément pourquoi il est impossible de lutter pour la République face aux tentations séparatistes avec les tenants du grand remplacement. 

Car au-delà de la stigmatisation, ils induisent autre chose : la France serait blanche et catholique. Et pour eux cette suprématie due à l’antériorité devrait être protégée.  

Le territoire cela existe. On ne peut s’y installer comme bon nous semble. C’est ce qui distingue un républicain d’un libéral, pour qui seul le libre marché est le facteur déterminant de l’accueil dans notre pays. 

Le territoire est essentiel au règne de la démocratie. Il est borné d’abord par des lois et des principes qui font le commun. Il ne saurait être interdit pour des raisons de couleur de peau ou de pratique religieuse. 

Être français ce n’est pas un ADN.  Être français de souche ne veut rien dire. Et une souche est un arbre mort. Enfin dans la grande pression démographique mondiale, la France des valeurs républicaines n’a aucune chance, derrière la ligne Maginot des Français héritiers génétiquement de Clovis.

Le modèle d’intégration français fonctionne, comme l’a démontré Olivier Roy4 et c’est précisément pour cela qu’on s'énerve chez les suprémacistes.

Nos compatriotes d’origine musulmane sont pris en étau, entre ceux qui veulent dans les mots qu’ils quittent la France et ceux qui dans les faits qui exigent qu’ils quittent la République. 

Il est donc de notre devoir républicain de défendre les musulmans. 

Mais avec qui ? 

Y a-t-il en France de l’islamophobie ? Il serait bon par commencer de souligner la résilience des Français, qui malgré de nombreuses tentatives de créer une saint Barthélemy anti- musulmans à coup d’attentats, ne sont eux descendus dans la rue que pour défendre le vivre ensemble.

Il faut ensuite parler du concept. Il y a en France, une hantise du métissage. Hervé Le Bras3 dit : le vrai racisme c’est le refus du métissage. Et l’extrême droite lui a donné un nom le grand remplacement. (Et pour l’islam séparatiste une peur, celle de l’émancipation des femmes).  Il y a un racisme antimusulman de plus en plus prégnant. Comme il existe un antisémitisme profond ou bien encore, la haine des noirs, pour cela il suffit de regarder les stades. Il ne s'agit pas d’une compétition entre les racismes, mais d’une réalité de la xénophobie ambiante, au même titre qu’un Français sur 3, par exemple, doute de la démocratie.

Le terme islamophobie fut forgé au début de ce siècle par des chercheurs français. Il visait à caractériser une phobie de l’islam. Mais ce terme fut réinitialisé par les ayatollahs iraniens pour interdire la critique de leur vision chiite de l’islam. 

La laïcité, c’est le droit de croire et de ne pas croire. Ceux qui croient doivent pouvoir croire en toute quiétude. Et ceux qui ne croient pas, doivent pouvoir le dire et critiquer les religions ou pas. 

Donc le terme ne correspond pas au combat de protection de la communauté musulmane. 

Peut-on, dans ce combat contre la haine et la défense de la République, ne s’embarrasser d’aucune autre considération que celle de la lutte contre l’islamophobie ? Olivier Besancenot a résumé le propos en déclarant " je préfère ceux qui défilent que ceux qui se défilent.

Nous préférons "ceux qui se défient que ceux qui nous défient".  

Se défier, c’est se méfier de ceux qui défient la République. 

Existe-t-il un racisme d’État ? C’est à dire que l’État aurait comme vocation d’exclure une race voir en l’espèce une religion élevée au niveau d’une race. Ce qui est un comble. 

L’État n’est pas constitué pour ce but. Il en a d’autres : préserver la propriété privée, le libre marché, le profit, mais aussi l’espace d’un vivre ensemble et la protection des biens et des personnes. Il y a, comme l’expliquait le philosophe Nikos Poulentzas5, des appareils idéologiques d’État. Mais leurs constructions ou leur justification n’est pas le racisme. 

Cette théorie réalise le tour de force d’excuser l'extrême droite ou autres Zemmour, car ils ne seraient pas les procureurs, mais de simples agents d’exécution d’un État raciste. 

Comme ce n’est pas l’État, ou comme on ne peut fonder l’État comme source de ce problème, c’est donc autre chose. 

Et c’est tout de suite trouvé. Ce sont les lois de la République, qui sont jugées liberticides et attentatoires à la liberté de croire. 

Et au cœur de ces lois évidemment, la laïcité. 

On retrouve là, la critique conjointe du monde libéral anglo-saxon et des tenants du séparatisme au nom de l’islam. 

La laïcité est constitutive de la République, et elle est inclusive. Cela veut dire que les mêmes droits doivent être donnés à la religion musulmane qu'à d’autres. 

Mais que le droit de ne pas croire pour les musulmans comme pour d’autres doit être garanti.

Et nos lois en particulier sur le voile hors de l'école en sont constitutives. 

On ne peut combattre la xénophobie sans prendre ses distances avec ceux qui au nom de leur différence, stigmatisent nos lois sur les femmes et les homosexuels.

On ne peut défendre la République, qui doit protéger les musulmans, avec ceux qui déclarent : " je suis de ma race de mon quartier, de ma religion de mon peuple avant d’être français " 

C’est affaiblir tout combat et nier tout principe républicain.

On ne peut défendre la République en faisant la moindre concession au fanatisme religieux au séparatisme ou à la haine de la République et de la laïcité.  

Tous les racismes du monde ne sauraient légitimer la haine de République. À moins, bien sûr, de considérer les Français comme collectivement responsables. Mais là, on est dans autre chose. Ce n’est plus l’État mais la France qui est racisme. C’est une forme de démission, de déni de la réalité. Ou de volonté d’en découdre. Ce faisant, loin de défendre les musulmans, on les fragilise tout en fragilisant la République. 

C’est en plus, offrir sur un plateau à Marine Le Pen la pseudo défense de la République et rendre donc le pire service à la communauté musulmane. 

Il ne s’agit pas d’interdire de penser, mais de penser l’essentiel : la défense de la République et de la laïcité contre ceux qui veulent la pervertir, au nom d’un suprémacisme blanc et ceux qui veulent s’en séparer au nom d’une religion. 

Ce combat est essentiel pour la France, la République et la gauche.

1 L’hystérie identitaire (Éric Dupin- Edition le Cherche Midi). 

2 Le piège de l’identité (Gilles Finchelstein – Edition Fayard)

3 Note Question de migration (Hervé Le Bras - Fondation Jean Jaurès). 

4 La peur de l’islam- Dialogue avec Nicolas Truong Olivier Roy édition le Monde / L’aube

5 Textes sur l'État (Nikos Poulantzas –Edition Maspero) 


 

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