Il y aura un avant et un après gilets jaunes. Pour Macron, c’est évident, cette menace va brider toute la fin de son quinquennat. La question du départ du gouvernement Philippe va monter. Mais la jonction sous le gilet jaune du national populisme et du populisme de gauche a enfanté un nouvel acteur sur les terres même du populisme.

Et pour peu qu’il se structure électoralement, il concurrencera ceux qui ont cru le chevaucher. 

Quant aux centre droit et centre gauche qui se concurrençaient dans l’espace des couches moyennes, et ceci en portant une ligne bobo néo-libérale, ils devront intégrer à leur champ de vision ce nouveau phénomène.  

Reste la droite sarkozyste. Elle voit une partie de son électorat faire irruption de manière autonome.

Dans ce mouvement la gauche fut ‘’out’’ et la droite ‘’input’’.

Marine Le Pen et Dupont-Aignan frissonnent dans les sondages, mais à la merci d’une liste Gilets Jaunes à l’élection européenne. Et Jean Luc Mélenchon perd pied, sous la barre des 10%.  

Tout cela pour dire que la question est avant tout politique et pas seulement sociologique.

Après cet acte V de la mobilisation, plus régionale et moins violente, il n’est pas inintéressant de faire le point. 

Comme pour se rassurer, nos élites ont produit 3 concepts : d’abord une jacquerie fiscale 2.0, puis un malaise périurbain, enfin un poujadisme plus ou moins matricé par les populistes. 

Ce qu’il faut comprendre c’est que c’est tout cela et autre chose. Ce qui unifie toutes ces couches moyennes exclues de la société de consommation, ce qui en est le trait d’union et le moteur, c’est la crise de rejet de Macron ; Macron étant le symbole vivant de l’aristocratie d’État et de sa religion néolibérale. 

Lançant de son porte-avion son fameux « entre vous et moi il n’y a rien » et son non moins fameux « venez me chercher », il a précipité, un Tiers-État des temps modernes. La fiscalité fut son mot d’ordre unificateur et le précariat son état.

Les laissés pour compte du néolibéralisme et de la gentrification urbaine sont devenus visibles. Et sa demande est devenue politique : nous sommes là, nous n’étions rien et nous voulons tout.

Le mouvement des gilets jaunes est une force qui va, sans savoir exactement où elle va. Car elle mute sans arrêt au fur et à mesure que le temps passe. On peut être frappé que ce mouvement se nourrit de tout ce qu’il trouve sous la main, enfin de tout ce qu’il lit sur les réseaux sociaux.

C’est un phénomène politique pour l’instant non politiquement défini, où sont à la lutte le classique esprit de justice et le social, mais aussi " les aristocraties à la lanterne" rebaptisées oligarchies sans que celles-ci aient pour ceux qui le prononcent, une nature de classe, mais encore un « tout est possible », mais enfin des relents de xénophobie et un refus de tout dialogue et compromis.

La nature politique de ce mouvement est donc devant lui. Comme l’analyse l’ancien président François Hollande le mouvement va-t-il s’arrêter ?  

Les paysans grondent, les lycéens sont en éveil, la CGT se réveille, les fonctionnaires ne veulent pas être la variable d'ajustement budgétaire.

Les Gilets Jaunes sont entre leurs ronds-points et leurs actions spectaculaires.

Tout est donc possible, c’est en janvier que le pouvoir saura, sinon c’est à l’élection européenne qu’il payera. 

En attendant le mouvement a fait tomber quelques dogmes et quelques tabous ;          

Les 3% de déficit, l’augmentation des bas salaires, l’ISF, les déclarations des manifestations en préfecture, la violence ne paye pas, le centralisme jacobin, l’acceptation de l’impôt, la taxation des GAFA, le blocage plus que la manif, l’anti aristocratie d’État, le pouvoir d’achat avant l’identité, le référendum d’initiative populaire…

Enfin, notons que si Macron est la cible, le patronat a disparu, manifestation de la forte présence d’artisans, d’autoentrepreneurs ou de chômeurs dans les rédacteurs des textes.

En guise de conclusion provisoire, ce mouvement a en quatre semaines ébranlé le pouvoir macronien qui croyait à sa toute puissance.

Le voilà piégé, passant de la modernisation à l’urgence sociale, mais refusant les moyens politiques de l’imposer par un nouveau gouvernement qui s’y attaque…