Les gauches ne sont pas incompatibles. Mais le débat entre elles est liquide. 

Aujourd'hui, chacun pique à son voisin de palier une idée, un concept, une posture.

La politique se noie dans la tactique où le jeu est de réduire l’espace du concurrent en saturant les médias de punchlines.

Ce faisant, les formations n’ont plus de contours réels. Elles se réduisent à leurs leaders acharnés à conquérir des parts de marché sondagier. 

Nous nageons dans une soupe de lieux communs largement partagés, régulés par des leaders qui ne veulent rien partager. 

Lorsque Jean-Luc Mélenchon parle du retour du Service national, ceci a été déjà présenté en son temps par les socialistes. Lorsque les écologistes évoquent le revenu universel, les conseils départementaux de gauche l’avaient déjà porté et ainsi de suite… Il n’y a pas de quoi faire différences. Les désaccords semblent secondaires. Alors une interrogation surgit : pourquoi ne nous mettons nous pas d’accord sur un coin de table en quelques minutes ? 

Parce que les désaccords portent sur l’essence même des formations, leurs histoires, leurs cultures et tout simplement leurs projets de société. Mais ceci est un gigantesque non-dit au profit de personnalités. La «peopolisation» des esprits fait des ravages. Le jugement ne porte plus sur le fond mais sur le pronostic présidentiel. 

Pour autant, il existe des différences fortes entre les formations de gauche ou qui s’en réclament. Et on ne peut s’unir que si celles-ci sont assumées, permettant ainsi des compromis féconds. C’est la différence entre des « programmes communs » et le « rien en commun » popularisé par Manuel Valls. 

La culture de coalition ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas dans la confrontation. C’est ce que nous avions fait avec la gauche plurielle, lors de la victoire de Lionel Jospin en 1997 et qui a manqué en 2002. Les Assises de la transformation sociale en 1995-96 furent le premier et seul espace de confrontation, débouchant sur des accords bilatéraux, constitutifs de la gauche plurielle et permettant la victoire. 

Il y a des divergences de fond et de forme dans la gauche d’aujourd’hui. 

 

LES DIVERGENCES DE FORME  

Elles sont plus importantes avec la France insoumise qu’avec les écologistes. Mais là encore, elles ne sont pas négligeables. 

Jean-Luc Mélenchon, pas plus qu’un autre, ne pourrait prétendre être le représentant exclusif de la gauche. 

Certes, le 23 avril 2017, Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidence de la République, a recueilli 7 059 951 voix. 

Mais lors des législatives qui ont suivi, il ne totalisait déjà plus que 2 450 000 voix. Et le 26 mai 2019, il recueillait 1 428 548 suffrages lors des élections européennes. 

Pourquoi la perte de 79,76 % des électeurs mélenchonistes de 2017 serait-elle moins significative que la chute vertigineuse du PS à la dernière présidentielle ?

Quatre électeurs sur cinq de Mélenchon l’ont quitté. Personne n’en fait le bilan, à commencer par la France insoumise. Et les actuels sondages sont pour son leader, entre 10 ou 12 %, alors qu’il est le seul candidat en campagne. C’était l’espace de la radicalité hier porté par le PC et les différentes organisations trotskistes en 2002. On est donc loin des 19% de la présidentielle de 2017. 

C’est là une divergence majeure car il s’agit de la légitimité souvent évoquée par l’ancien ministre de Jospin pour justifier sa troisième candidature à la présidentielle. Soit on estime que les scores électoraux ont une importance pour qualifier le candidat et il faut reconnaître que Mélenchon n’est pas naturellement qualifié au vu de ses scores postérieurs à 2017. Il est loin d’être dans une dynamique. 

Soit les résultats électoraux depuis 2017 ne sont pas des critères et la compétition, voire la bataille pour l’union, a sa légitimité. Le fait d’être un bon client médiatique n’assure pas en soi une légitimité présidentielle.  

On pourrait même ajouter que, pour être repéré dans un espace public saturé, il faut investir dans la radicalité, le disruptif, le buzz. Mais la rançon de ce positionnement tribunitien, c’est la marginalité. Et il se prête mal à rassembler la gauche, voire le pays. 

Ce qui est valable pour Mélenchon l’est tout autant pour les écologistes, qui furent en tête de la gauche aux Européennes. Ce n’était pas une première. Daniel Cohn Bendit l’avait déjà fait et ce n’est pas une garantie pour être reproduit à la présidentielle. Cela s’est déjà vu. On en a déjà eu la preuve aux municipales à Lille, Dijon, Clermont, Paris, Rouen, Le Mans, Rennes Nantes, Brest, Nancy, Montpellier. On nous annonçait que les écologistes allaient l’emporter et les socialistes sortirent vainqueurs. Les gains pour les écologistes furent visibles grâce à l’union et rarement dans une compétition à gauche à l’exception de Poitiers et de Strasbourg. Cependant le PS ne peut non plus s’en réclamer pour tuer le match si on veut bien comparer leurs gains à ceux du passé. Voilà pour la forme.