Homme de gauche, j’ai toujours cru au clivage Gauche/Droite. 

J’y crois toujours, mais les cinq dernières années ont fini de troubler ce qui a défini et marqué le paysage politique français pendant plus de cent ans. Cette division Gauche/Droite en effet s’affirme après 1914, remplaçant peu à peu le clivage dominant d’alors qui opposait républicains et monarchistes. 

Le trouble n’a pas commencé il y a 5 ans en réalité. 

Si je prends le premier scrutin auquel j’ai participé, force est de constater que le clivage alors était celui entre Ouverture et Fermeture, entre pro-Européens et anti.  En effet, le référendum sur le traité de Maastricht (1992) marque d’un certain point de vue l’installation de cette nouvelle tension au sein de la société et de la politique française. Même si l’image qui reste de cette campagne référendaire est celle du débat entre François Mitterrand et Philippe Seguin, entre un homme de gauche et un homme de droite donc, chacun se rappelle que cette tension entre les pour et les contre traversa les deux camps politiques français. 

Ce clivage Ouverture/Fermeture fut sans doute à son paroxysme lors d’un autre débat référendaire. En 2005,  la campagne référendaire sur le traité constitutionnel européen fractura fortement et durablement la Droite et la Gauche, et plus singulièrement encore le parti socialiste.
Cette division perdure encore aujourd’hui, même si elle a pris une autre forme. Le clivage entre libéraux et nationaux n’a-t-il pas été celui des seconds tours des deux dernières présidentielles ? 

Il est en fait  l’expression politique du débat entre les tenants de l’ouverture et ceux de la fermeture, dont les plus audibles et les plus suivis proviennent tous de l’extrême-droite ou de la droite extrême. 

Un autre clivage a néanmoins vu le jour. Si l’opposition Ville/Campagne a été pointée de longue date maintenant dans notre pays, les dernières décennies l’ont fait glisser vers un clivage Métropole / Reste du territoire - de dernier comprenant aussi bien les zones rurales que les villes petites et moyennes. Comme si tout le fruit du dynamisme économique, social et culturel avait fini de se concentrer dans quelques grandes villes,  le reste du pays est confronté à toutes les difficultés de notre époque, donnant ainsi à ses habitants le sentiment d’être les oubliés de la mondialisation et, plus grave, du pacte républicain. 

La Gauche a cela de particulier aussi depuis quelques années qu’elle abrite (arbitre ?) un autre clivage avec d’un côté les tenants d’une décroissance pure et de l’autre ceux qui plaident pour le maintien d’une croissance décarbonnée et nécessaire, selon eux, au maintien de l’Etat providence. 

Enfin, il existe un clivage de plus en plus prégnant, et qui traverse ou percute toutes les formations de gauche, c’est le clivage Universaliste/ Intersectionnaliste. Le rapport à la laïcité et à la République, deux des marqueurs incontestés de la Gauche depuis 1905 , semble maintenant interrogé par une partie de celle-ci.

La reconstruction d’une Gauche de gouvernement - sociale, écologiste et démocratique - ne peut miser sur le simple départ d’Emmanuel Macron pour retrouver son électorat. La définition d’un nouveau pacte social, appuyé sur une nouvelle pensée des régulations nécessaires à l’économie de marché, ne peut se faire en excluant de répondre à tous les autres clivages qui traversent notre société, et singulièrement la Gauche.