L’opération « laissons dégorger les escargots » bat son plein. Il faut dire qu’Emmanuel Macron maîtrise le « question-réponse », comme beaucoup d’autres politiques. Mais il donne à l’exercice une dimension de marathonien propre à impressionner. 

Donc, il n’y a pas un grand débat, mais un « question-réponse » présidentiel et un débat entre les maires et les Français. 

On peut à cette étape tirer trois enseignements

D’abord, le président a fermé pas mal de portes. Il ne touchera pas à l’ISF. L’argument employé par le président est un sophisme qui n’a pas besoin d’Aristote pour être retourné. « On n’était pas mieux quand il existait », nous dit Emmanuel Macron. Est-on mieux depuis qu’il a été supprimé ? Conscient des limites de son propos le président-bateleur en ajoute un second ; si on rétablit l’impôt sur la fortune, les très riches vont partir, alors que là, ils vont investir. Rien ne le prouve. C’est d’ailleurs pour cela qu’Emmanuel Macron clôt l’argumentation, en indiquant qu’il décidera après évaluation.

Et, comme il a déjà dit qu’il ne détricoterait pas sa politique, on imagine la suite. Mais, ce faisant, Emmanuel Macron introduit un problème, qui est précisément au cœur de la problématique des Gilets Jaunes : l’injustice fiscale. Parce que les ultras riches peuvent partir, leur chantage est pris en compte. Alors que les autres Français ne peuvent le faire : voilà pourquoi plus de 70% des Français veulent le rétablissement de l’ISF.

Dans un pays qui a la passion de l’égalité, une inégalité de cette taille est insupportable. Emmanuel Macron ne comprend pas la force symbolique de la mesure. 

De même pour le RIC, il a indiqué par deux fois que ce n’était pas son sujet.

Après avoir vanté la verticalité, contre les vieux corps intermédiaires, Emmanuel Macron se fait le défenseur de la démocratie représentative. On le comprend et on ne saurait l’en blâmer. Mais depuis qu’il a dit, un brin bravache, aux Français en colère contre sa politique : « venez me chercher », les Gilets Jaunes ne voient pas d’autres moyens pour le faire. 

Ce que ne perçoit pas le président, c’est que, booster par l’immédiateté des réseaux sociaux et des chaînes d’informations, les Français ne comprennent pas pourquoi il devrait attendre 5 ans pour dire ce qu’il pense d’une mesure. Nous avons l’effet différé, le contre coup, des ordonnances. 

Enfin, Emmanuel Macron referme la dissolution. Mais annonce-t-on cela trois mois à l’avance ? Par contre, il annonce la fin de la taxe d’habitation pour tous. Voilà qui va plonger le ministre de l’économie et du budget dans un abîme de perplexité.

Mais nous avons aussi appris que, ne voulant sinistrer une filière, il maintiendrait le glyphosate, bonjour Nicolas Hulot ... Monsieur Ftançois De Rugy, un commentaire ? De quoi donner une seconde jeunesse au slogan : « nos vies valent mieux que leurs profits ».

Le second enseignement, après avoir caressé l’idée d’un référendum a questions multiples, fort de ce qu’il lui semble être un succès en ce début de grand débat, le président espère qu’une fois les escargots dégorgés, ils seront essorés, et propres à la consommation.

En d’autres termes, on s’en tiendra à cela. On reprendra après une feuille de route le projet présidentiel et le cours des choses.

« Il remonte, il remonte » s’étonnent en cœur ceux qui ont eu très peur. Et, il y a de quoi. Sans vouloir casser l’ambiance, est-ce aussi simple ? Emmanuel Macron, grâce à l’immense bévue de Laurent Wauquiez, a pris la tête du parti de l’ordre. Après 11 semaines de gilets jaunes, le mouvement, toujours majoritaire dans l’opinion, commence à sortir par les yeux d’une autre partie de l’opinion. Mais être le facteur d’ordre n’est pas nécessairement être adoubé par ceux qui le souhaitent. Le fait que Macron fasse un bond dans l’électorat de Fillon des plus de 65 ne le rétablit pas pour autant.

Quant à la remontée dans les sondages en vue des Européennes, cela est rendu possible parce que la participation a fait un recul spectaculaire à la baisse de -14 %.

Ajoutons que 58% des Français estiment que la politique gouvernementale fragilise leur situation et celle de la France. 

Tout cela pour dire que le coup de pied à suivre va dépendre de ce qu’il y aura à la réception. Quant aux escargots, il faut les cuisiner pour les déguster en salle, et, c’est seulement à ce moment-là que l’on note le cuistot.

On en revient toujours à la crise de rejet d’Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs le seul slogan unificateur malgré les divisions des Gilets Jaunes.

Alors, on imagine mal les Français dire à la fin de ces débats : « Merci pour ce moment ! ». Il faudra une onction démocratique. Le seul chemin sera le référendum à questions multiples. Et, si Emmanuel Macron ferme la porte aux principales revendications, il ne s’en sortira pas en chevauchant l’antiparlementarisme.

Et pourtant, le pays a besoin de retrouver de la stabilité. Il ne peut durablement se maintenir entre un président faible et une extrême droite puissante dans un paysage politique dévasté. 

Et, c’est là le dernier enseignement. À droite c’est le KO et à gauche le chaos.

La droite est scotchée, car elle est dépossédée de son totem du parti de l’ordre. Quant à la gauche, c’est un naufrage. 

On pouvait espérer qu’un front commun de toutes les forces militantes, pour investir le grand débat et imposer un autre cours au pays. Mais non !  Une moitié ne veut pas y participer et l’autre y va en ordre dispersé.

ET puis il y a le triste dérisoire. Entendre Yannick Jadot dire sur radio classique " adieu à la gauche" alors que j’ai encore dans l’oreille les demandes persistantes pour lui obtenir, après Cécile Duflot, une bonne circonscription PS. L’entendre dire qu’il faut "élire un écologiste pour défendre l’écologie " alors qu’il sait parfaitement que le combat contre le glyphosate est porté au Parlement européen par Éric Andrieux, socialiste tout comme le combat contre le diesel par Christine Revault D’Allonnes-Bonnefoy et Sylvie Guillaume, tout autant socialistes. L’entendre enfin dire que son objectif n’est pas de sauver le PS, manière élégante de dire qu’il n’est ni de droite ni de gauche, et d’éviter de dire avec qui il va s’allier au Parlement européen. Surtout pour ne pas dire que son groupe au Parlement européen en pince pour les libéraux, c’est à dire les amis d’Emanuel Macron. On a beau savoir que cette stratégie est de pure opportunité électorale, on est vraiment effaré et c’est un doux euphémisme.

Mais, on n’est pas au bout de nos peines quand on entend Benoît Hamon tonner : « qui sont ces nains qui nous intiment l’ordre de nous unir ? ». Hé ho Benoît ! tu as fait 6% à la présidentielle. Certes, c’est d’après toi, pas de ta faute mais dû aux socialistes. Mais, tu avoueras qu’ils ne sont pas pour grand-chose dans tes 2% actuels. 

Et je ne continue pas. C’est le grand n’importe quoi. Et pourtant les uns et les autres valent beaucoup mieux que cela. Mais Zeus rend fou ceux qui vont perdre. 

La gauche est dans un chaos indescriptible. Le pire étant que tout le monde dit la même chose dans la gauche non mélenchoniste. Mais, tout le monde est contre tout le monde et réciproquement. Le résultat est là. La gauche est créditée au total, Mélenchon et Jadot compris, de 28%. Un recul historique. 

Cela est déplorable en soi, mais aussi pour la France car la situation est de plus en plus ingérable.

Une sécession de masse, pas loin de 100 000 personnes, soutenues par 60% des Français, font pour la première fois jonction avec la CGT, Solidarité ou France insoumise en tant que tel, comme à Marseille, et se radicalisent, jour après jour, à un pôle et s’exaspèrent à l’autre.


 

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