Affaibli par le score d’Anne Hidalgo à la présidentielle, le Parti socialiste a convenu d’un accord avec LFI pour les législatives. Comment le PS en est arrivé là ?

Avez-vous été surpris par l’ampleur avec laquelle le Conseil national du PS a adopté l’accord avec LFI ?

Agréablement surpris, car Olivier Faure avait été élu premier secrétaire avec plus de 70 % des voix, et il n’a obtenu que 60 %. Il a préféré passer par le conseil national plutôt que de procéder à un vote militant qui lui aurait été défavorable.

Vous qui avez été, en 1997, l’artisan de « la gauche plurielle », vous devriez être heureux de ce retour de l’union de la gauche ?

J’ai toujours milité pour l’union, mais sur un contenu politique qui soit praticable. Le Front populaire c’était Léon Blum, l’union de la gauche François Mitterrand et la gauche plurielle Lionel Jospin ; ce n’était pas Maurice Thorez, Georges Marchais ou Robert Hue. Le pari de Mitterrand en 1971 ne consistait pas à s’inféoder au parti communiste, mais à le dominer pour se retrouver en capacité de gagner les élections. Parce qu’il considérait, à raison, que le PCF ne pourrait jamais l’emporter. Or là, nous inversons le processus : le PS est subordonné à une gauche radicale, qui propose une triple sortie, de l’Europe, de l’OTAN et de l’OMC. Cette radicalité pèsera au second tour des élections législatives car elle fera peur. Après un bon score au premier tour, nous serons submergés au second parce que le programme ne répond pas à la demande des Français d’efficacité et de réponses praticables à leurs problèmes. C’est programmer pour s’opposer pas pour gagner.

Vous qui connaissez bien la carte électorale, vous souvenez-vous d’élections où le PS a présenté aussi peu de candidats ?

Non, et c’est historique. Le PS n’a jamais eu aussi peu de candidats. Il a parfois eu peu d’élus, mais il présentait partout des candidats.

Si vous en êtes là, c’est parce que le PS est tombé très bas. A quand faites-vous remonter cette descente aux enfers ?

A 2002. Nous sommes éliminés au premier tour par la division de la gauche. Ensuite, il y a le remord de 2002 : celle-ci regagne les élections parce que ses électeurs ne voulaient pas voir l’extrême-droite en situation de l’emporter. La gauche a aussi bénéficié de votes utiles : contre Nicolas Sarkozy en 2012. François Hollande ne l’emporte cette année-là que parce qu’il est le plus modéré des antisarkozystes qui sont majoritaires dans le pays. Mais on est loin de l’élan de 1981.

Et pendant ce temps, la rénovation ou la refondation de la gauche ne se font pas ; nous continuons à mouliner les concepts des années 60, revisités dans les années 80.

En 2012, vous avez tous les pouvoirs. Même au Sénat. Que se passe-t-il alors ?

Nous avons tous les pouvoirs, mais nous n’avons pas de projet de transformation de la société. En 2014, j’ai tenté de moderniser le logiciel socialiste avec une Charte de l’écologie, mais c’est passé inaperçu : lors de la convention chargée d’adopter ce projet, une seule personnalité est présente en face de moi, Claude Bartolone. Pas de ministres ! Pas de Premier ministre ! Aucun responsable du parti. Cette rénovation n’intéressait pas les hiérarques socialistes.

Au fond, vous dîtes que le PS a laissé passer le tournant écologiste que Jean-Luc Mélenchon, lui, a su capter…

Il n’y a pas que l’écologie, il y a aussi la question sociale, la montée de l’individualisme consumériste, les questions régaliennes (immigration, insécurité) qui n’ont jamais été traitées par le parti. Le PS a joui jusqu’au bout du bipartisme, il a attendu que le balancier de l’alternance revienne vers lui, qu’il lui suffisait d’être le point d’équilibre de la gauche et des écologistes pour l’emporter.

Les choses auraient-elles tourné différemment si, en 2017, François Hollande s’était représenté, quitte à être battu… ?

Si on refait le film, François Hollande aurait pu être réélu sur le rejet de François Fillon et de l’extrême-droite. S’il avait été candidat, il aurait obtenu au moins 12 ou 13 %, deux fois plus que Benoît Hamon, et la situation aurait été différente pour le PS : nous aurions été dans une position comparable à celle des élus locaux d’aujourd’hui, une sorte de contre-pouvoir. Par ailleurs, il aurait empêché l’émergence d’Emmanuel Macron ; je pense même que si Hollande s’était présenté, Macron n’aurait pas été au bout.

Aujourd’hui, les sociaux-démocrates ne sont-ils pas tout simplement chez Macron ?

J’ai trouvé très symbolique ce qui s’est passé jeudi. D’un côté le vote chez les socialistes, où les sociaux-démocrates sont exclus de l’alliance avec Mélenchon ; de l’autre côté, les sociaux-démocrates de la Macronie ne sont pas présents à la conférence de presse qui lance le mouvement Ensemble. La social-démocratie est marginalisée des deux côtés, alors qu’elle est plus que jamais nécessaire. Pour moi, cela confirme la nécessité de fonder une formation sociale-démocrate.