Hirson, petite ville comme il y en tant, nichée à quelques kilomètres de la frontière de la Belgique, une cité de la France profonde, où une poignée d’élus se battent, dans l’indifférence de Paris, pour maintenir à flot plus de 10 000 habitants, voire 25 000 si on se met à l’échelle de la communauté de communes. Là, il s’agit de maintenir une communauté ensemble ; là, on se bat pour les oubliés.

A Hirson, le taux de chômage est de 16 points supérieurs à la moyenne nationale ; la mairie modeste mais accueillante ; le cinéma municipal avec sa programmation digne des grandes villes ; une église désaffectée des années 20 où l’on fait du jazz ; un petit stade, un cours d’eau, des friches réhabilitées avec bonheur ; une piscine à plusieurs bassins. 

Hirson fut un ancien nœud ferroviaire. Il y eut jusqu’à 700 ouvriers à la gare. La ville et les cheminots n’ont fait qu’un. Longtemps dominée par le PCF, elle est frappée de plein  fouet par la désindustrialisation. Ici on traque les emplois par 5, par 10 pour faire face au chômage. 

La pauvreté est digne. Les cafés sont discrets mais présents. Il fait beau et on s’en étonne.  

Une ville entre deux mondes, deux époques, deux cultures, on pourrait croire que les édiles ont baissé les bras, mais il n’en est rien. 

Jean-Jacques Thomas, le maire socialiste d’Hirson, incarne ce socialisme municipal, qui fait le socialisme français. Courant partout, réparant les lieux et les âmes, il est le cœur battant de sa ville, et fait corps avec elle. 

Avec son équipe, ils sont dans le corps à corps vis à vis de la très grande pauvreté, de l’exclusion et de la relégation. 

Dans cette France des invisibles, ils sont des vigies. Épicerie solidaire où l’on paye peu mais, on donne de son temps en contrepartie pour le bien commun de la cité.

Dans les ateliers et les chantiers de l’insertion, où l’on ramène, au-dessus de la ligne de flottaison, les femmes, les hommes qui ont subi de graves avaries de la vie.

Dans les missions locales, où la garantie jeune permet d’ouvrir les portes de l’espoir.

Dans cette ville cheminote de mémoire, le permis est le sésame indispensable pour l’emploi : “Ici, si tu n’as pas de voiture, tu es enfermé vivant " me dit-on.

Alors, évidemment, le permis de conduire, le prix du carburant, sont des préoccupations de chaque instant. 

Il fallait voir la joie de cette jeune fille qui a économisé sur ses 450 euros de la garantie jeune pour cette petite voiture qu’elle aura acquise deux jours plus tard. 

J’ai partagé le déjeuner des participants aux ateliers de l'insertion.  

Des femmes souvent qui se donnent une deuxième chance. Dans les deux cents présents, beaucoup furent cabossés. Mais habitée par une extraordinaire volonté de s’en sortir : cette femme, mère de 7 enfants, abandonnée mais qui refait sa vie, maintient son foyer, et se forme pour repartir.  

Elle ne se préoccupe pas de son apparence ; seule compte la qualification qui lui permettra de retrouver joie et dignité.  

Ce qui est frappant, c’est l’extraordinaire volonté de s’en sortir. Les premiers pas ne sont pas simples. Mais avec le dévouement et l’intelligence  des équipes, elles se mettent à marcher. 

Que nous sommes loin des caricatures d’assistés proférées par quelques nantis.

Quand je pense que l’on veut couper dans les budgets sociaux, fermer des classes, moquer les emplois aidés, réduire le périmètre de la fonction publique, je me dis « ils sont irresponsables ».

Ce pays n’est plus qu’un vieux tonneau vermoulu : si vous cassez les cerveaux qui le maintient, il va s’effondrer.

La France est là. Elle souffre mais se bat.

Cette solidarité en action ne s’oppose pas à la reconquête de l’emploi. Réhabilitation de friches et nouvelles implantations, un peu de sous-traitance industrielle, Mais déjà pointent les premiers signes de la nouvelle économie.

“L’emploi on va le chercher. Ici les salaires sont bas mais une maison coûte 450 euros par mois” me dit une responsable du développement économique. 

Et puis, une rencontre avec les enfants qui apprécient les horaires scolaires aménagés et les découvertes culturelles. Si dans ce type de ville on ne le fait pas, c’est la fracture culturelle qui s’accroît.

Comment oublier Lou Ardan qui s’occupe d’eux après les cours, grâce à l’aménagement scolaire maintenu par la ville. Il est en même temps dessinateur. Il vient de publier “La dynastie du royaume de Floss”. Dans ces petites villes de grande solitude, ils sont le lien social indispensable. 

Nous sommes très loin de la politique parisienne. Ici, la gauche est une gauche de proximité qui se bat pour l’apprentissage du code au lycée et l’implantation d’une maison médicale, car les médecins vont partir à la retraite et ne seront pas remplacés. 

L’État est incapable de pratiquer la microchirurgie, nécessaire au renouveau français. Une pleine journée en immersion à écouter, questionner et apprendre. 

Et puis le soir, l’hommage à François Mitterrand après un point de presse qui tranche quelque peu avec nos débats nationaux. Une heure sans une question sur les européennes. Je m’en inquiète. On ne connaît pas les têtes de listes. La multiplication des listes et le débat entre Emmanuel Macron qu’on aime peu et Marine le Pen qu’on n’aime pas, ne permet pas de comprendre les enjeux. 

J’évoque devant une salle populaire et attentive, la sourde détermination de, avec un petit groupe d’amis, à rassembler la gauche. 

Je parle longuement de la décentralisation initiée par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Deferre.

La France doit faire sa rupture girondine pour affronter le capitalisme immatériel et le tournant écologique. 

Je dépeins cette nouvelle gauche appuyée sur les territoires, le mouvement associatif et solidaire. J’évoque cette gauche tranquille qui pense le monde et pratique le compromis. 

C’est un moyen de renouer avec François Mitterrand et d’évoquer l’action de Lionel Jospin et celle de François Hollande. 

Il ne s’agit pas de figer dans le marbre, la gloire notre action. Mais de s’en servir pour rebondir.

La nouvelle France sera girondine. Il faut la libérer des carcans jacobins qui sont devenus des entraves à son énergie et à son renouveau. 

Autant dire, que l’idée de cette gauche-là, celle qui va venir, celle qui dépassera le PS tout en continuant le socialisme, cette gauche-là a rencontré d’emblée un écho. 

En ce 10 mai, j’ai la confirmation que le renouveau passe par la gauche unie des villes et des campagnes.


 

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