Les Verts ont donc désigné leur candidat

Nous avons maintenant un interlocuteur représentatif de EELV avec qui discuter de ce que nous partageons comme objectifs d’action publique mais aussi de ce qui nous divise et qui demande à être clarifié - nous avons des divergences sur la République, la laïcité, la politique industrielle, la décroissance - mais aussi sur la question qui nous rassemble. 

Nous partageons les uns et les autres, ainsi qu’une majorité des Français, particulièrement les jeunes, une forte préoccupation concernant le dérèglement climatique et nous savons qu’il nous faut réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) pour atteindre le zéro en 2050, auquel la France s’est engagée avec l’UE. 

A l’évidence il convient de substituer aux consommations d’énergies fossiles carbonées notre électricité non carbonée. 

On peut y parvenir par les mobilités douces et l’usage de véhicules électriques sur batteries, pour le transport des personnes ; des transports ferroviaires pour les marchandises, mais aussi des motorisations électriques alimentées par piles à combustible à base d’hydrogène pour les camions ; des locomotives à hydrogène pour les lignes ferroviaires non électrifiées ; la motorisation hydrogène pour le transport fluvial, voire maritime, ou même demain de petits moteurs nucléaires pour les très gros porte-conteneurs ; du kérosène de synthèse et de l’hydrogène pour les transports aériens. Pour le chauffage et la climatisation des locaux, les pompes à chaleur électriques offrent des solutions efficientes qui devront s’accompagner de gros efforts d’isolation thermique. Dans l’industrie, non seulement l’hydrogène actuellement utilisé devra être produit sans émissions de carbone (essentiellement par électrolyse) et ses usages peuvent se substituer aux énergies carbonées dans la sidérurgie ou les cimenteries notamment. 

Pour toutes ces solutions d’optimisation des usages de l’énergie et l’abandon des combustibles fossiles, nous pouvons sans doute trouver des accords avec EELV. 

Mais là où le bât blesse et où nous divergeons fondamentalement, c’est sur l’ampleur des efforts à accomplir, leurs conséquences en termes de volume d’électricité consommée et sur les énergies primaires à mobiliser pour y satisfaire. 

Actuellement les énergies fossiles représentent 63% de nos consommations d’énergies, tandis que l’électricité ne fait que 24%. Nos perspectives sont de pratiquement doubler nos consommations d’électricité et, grâce à sa meilleure efficacité énergétique, de réduire à pratiquement zéro les énergies fossiles. Nous estimons que c’est possible en mobilisant non seulement les énergies renouvelables mais aussi le nucléaire1. 

Nos amis d’EELV, d’une part, prétendent que l’électricité non carbonée utilisée doit être produite uniquement par des énergies renouvelables (le « tout EnR »), ce n’est pas sérieux. D’autre part, pour limiter les besoins en électricité, ils prétendent imposer au Français une décroissance de nos consommations de biens ou services. C’est en cela que nous divergeons absolument ! 

Certes nous sommes d’accord pour rechercher une sobriété énergétique et nous pouvons y parvenir par des solutions de non-gaspillage et d’efficacité énergétique. Mais nous ne partageons pas leur choix d’une décroissance. Nous dénonçons absolument cette prétention de bobos de réduire la production de biens et services dont souffriront en premiers nos concitoyens à faible pouvoir d’achat, tandis que les bénéficiaires de gros revenus trouveront toujours les moyens de préserver leurs consommations. Notre vision est progressiste et sociale, elle est celle d’une économie inclusive qui réduise les inégalités. 

Nous pensons que des économies développées, comme la nôtre et celles de l’Union Européenne qui promeut un Green Deal, peuvent supporter le coût des mutations énergétiques que nous recommandons. Certes nous devrons mobiliser non seulement notre potentiel d’énergies renouvelables - éolien offshore surtout, voire agrivoltaïsme (en synergie avec des cultures agricoles) - mais également la production électronucléaire très peu carbonée dont notre industrie est capable. 

Nous récusons le rejet obstiné des Verts concernant les solutions nucléaires. Certes l’EPR de Flamanville a été un chantier fort mal maitrisé ; aussi faudra-t-il démontrer qu’on peut effectivement atteindre des coûts compétitifs avec des EPR nouveaux non seulement pour nos besoins mais aussi à l’exportation. Nous ne sommes pas pour autant favorables au « tout EPR ». Nous pensons qu’il convient, non de fermer prématurément des réacteurs, mais de généraliser l’effort de mise aux normes du nucléaire existant requis par l’Agence de sureté nucléaire (ASN). A cet égard nous récusons absolument l’oukase du programme EELV décidant le « démantèlement des réacteurs ayant 40 ans de fonctionnement » ; non, c’est l’ASN qui a compétence pour décider si des réacteurs mis aux normes peuvent, ou non, être encore autorisés à produire ! Il n’y a aucune urgence à précipiter des fermetures de productions non carbonées qui demanderaient à être compensées par de nouvelles centrales coûteuses. 

Mais nous touchons là un autre motif de désaccord avec nos partenaires d’EELV : le système électrique doit autofinancer sa transition au moindre coût, ce qui implique de ne retenir que les projets les moins couteux. Nous héritons actuellement d’engagements de financements publics déjà pris pour la promotion des EnR qui dépassent 120 milliards d’euros en cumulé jusqu’à 2046. C’est absolument excessif ! Il conviendra à l’avenir d’assurer nos choix par mise en concurrences des différents moyens de production, sous le contrôle, a priori, de la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) et, a posteriori, de la Cour des Comptes. 

Des hausses de prix de l’énergie seront certes inéluctables ; elles devront être étalées dans le temps par des emprunts et significativement compensées pour nos concitoyens, telles des aides à l’isolation thermique de l’habitat et l’usage de pompes à chaleur ou l’accès gratuit à des emplacements de recharge pour véhicules électriques à proximité des ensembles de logements sociaux. S’il faut faire supporter aux entreprises un prix pour leurs émissions de CO2, nous ne sommes pas favorables à une taxe carbone « punitive » pesant sur les consommateurs. 

Nous pensons également qu’il convient de recapitaliser EDF et refonder ses missions dans la perspective d’un service public de la transition énergétique accompagnant, avec les collectivités locales, les consommateurs domestiques et les petites entreprises. 

Nous sommes donc pour la transition et non pour la rupture écologique du quoi qu'il en coûte en terme démocratique, social, industriel et de bien-être de nos concitoyens. 

 

Jean-Christophe CAMBADELIS, ancien 1er Secrétaire du PS, et Jacques ROGER-MACHART, anciens députés socialistes. 

 

1- Voir à cet égard « Progressistes pour le climat » de Jacques Roger-Machart, chez Atlande éditeur.