« L’opération spéciale » militaire décrétée par Poutine se transforme en guerre totale. Cette fameuse théorie de la guerre hybride où l’on peut aller jusqu'au nucléaire tactique. 

La résistance ukrainienne, la solidarité de l’Europe, l’isolement de la Russie ont surpris Poutine. Le temps lui manque alors que le scepticisme gagne les sphères dirigeantes de la Russie.

Chaque jour des manifestants sont arrêtés à Moscou ou Saint-Pétersbourg. 

Chaque jour le monde occidental prive la Russie de l’accès au marché mondial. 

Chaque jour la victoire rapide se dérobe un peu plus dans une Ukraine qui résiste. Et même l’église orthodoxe, seul vestige de l’union soviétique unissant les croyants de toutes les Russies, de toutes les anciennes Républiques soviétiques, cette église qu’il a choyée, se divise. Le Patriarche Cyrille de Moscou n’a pu empêcher la sécession de l'Église Ukrainienne qui appelle à résister à l’envahisseur. Ennuyeux pour la théorie d’un seul peuple russe. 

Alors, Poutine doit aller au bout, vite. Et l’armée russe fait ce qu’elle sait faire : bombarder, démolir, chasser par la terreur les populations devant elle pour provoquer le chaos chez les autres.

La guerre nourrit la guerre, dit un de nos proverbes. Et c’est précisément ce qui se passe. 

Car plus la guerre s’intensifie, plus les images deviennent insupportables pour les opinions occidentales, alors que les Russes sont, eux, privés d’images.  

Le spectre et déjà la réalité des villes martyres sont là en attendant Kiev. On pense immédiatement au siège de Sarajevo qui dura 4 ans. 

C’est dans cette tenaille que vont se retrouver les gouvernants : entre les bombardements de Poutine et la colère de l’opinion.  

Déjà lors de sa première sortie, « le candidat du vendredi », Emmanuel Macron, a dû expliquer qu’il n’était pas possible de s’engager dans la 3e guerre mondiale. Et l’élément de langage fut repris en boucle sur tous les plateaux par les représentants de LREM.  Déjà des voix, et principalement celle de Zelenski, se font entendre pour une zone de protection aérienne. Les Américains, prompts à couper l’approvisionnement européen en gaz et en pétrole russe, sont tout à coup moins chauds. Cette pression ne fait que commencer et augmentera au rythme des images insupportables. 

« Toute guerre est un manichéisme » disait Jean-Paul Sartre. 

Soit les Russes l’emporteront malheureusement rapidement. Et les problèmes seront pour les Russes avec un élan de solidarité mondiale pour la Résistance ukrainienne. Mais cela n’en prend pas le chemin vu la magnifique résistance ukrainienne ; soit après Odessa et Kiev encerclés, Poutine s’engage dans des négociations : levée du siège contre levée des sanctions mais cela prendrait du temps et Poutine n’en a pas beaucoup ; soit la guerre, avec son cortège d’exactions et de barbaries, va enflammer l’opinion qui demandera autre chose qu’un téléphone rouge avec Poutine et le boycott de l’économie Russe et de ses oligarques.  

Ceci d’autant que la guerre en Ukraine et le boycott en Russie ont un coût. La Bank of America parle de 200 dollars le baril de pétrole. Le FMI évoque des « conséquences dévastatrices ». Le spectre de la stagflation hante le monde occidental.

Comme disait l’autre, que faire ? Comment ne pas être Munichois, tout en cherchant le chemin du cessez-le-feu ?

La droite est aphone et l’extrême droite dit-on « ne ferait pas mieux que Macron ». L’extrême droite est de fait, après le retournement de Zemmour sur l’accueil des Ukréniens, sur la ligne : « on ne fera pas mieux ».

La gauche s’attaque, elle, à Jean-Luc Mélenchon et son vote utile. 

Il faut dire que le leader de la France insoumise n’y a pas été de main morte pour faire oublier qu’il déclarait que la Russie n’était pas une menace (fin janvier) ou ses déclarations en 2014 contre François Hollande à propos des frégates qui devaient être livrées à Poutine : « François Hollande ridiculise la France en empêchant la livraison du premier navire (--) » stigmatisant « l’alignement sur la politique guerrière des États-Unis contre la Russie ».  

Jean-Luc Mélenchon, qui est en ce domaine très antiyankee comme ses amis latino-américains, vient de délivrer un message de non aligné. Il entonne les chants de Jean Jaurès et de la paix.

Nous ne ferons pas l’injure à Mélenchon de méconnaître le discours de Jean Jaurès sur l’Arménie et l’impossibilité pour l’humanité de vivre avec le cadavre du peuple arménien à la cave. Si c’était le cas, il devrait relire ce discours qui induit que le combat pour la paix, ce n’est pas la neutralité. 

Peut-on être neutre, c'est-à-dire, à équidistance des chars Russes qui pilonnent des civils et de l’Europe, voire de l’Otan qui a renoncé à intervenir. 

La paix, c’est à Poutine qu’il faut la demander, pas à Biden, et encore moins aux Ukrainiens.

La gauche aurait-elle dit pendant la Guerre d’Espagne en 1936 non à Franco, non à Staline ? On sait où ce genre de discours pacifistes a conduit leurs auteurs. 

Non la gauche est du côté des agressés pas du côté du dictateur. Être non aligné c’est une non-assistance à peuple en danger. Et ce n’est pas parce que les États-Unis se sont mal comportés, ont couvert des tueries, voire que le monde occidental a détourné les yeux lors de massacres à Alep ou Grozny qu’il faut, au nom d’hier, justifier le non-alignement aujourd'hui. 

A ce compte-là le traité de Versailles mutilant et ruinant l’Allemagne, les revendications d'Hitler, ne nécessitaient pas condamnation, voire étaient justifiées. 

Mélenchon s’égare et égare une partie de la gauche dans un moment historique où c’est à elle de faire bloc avec le peuple Ukrainien comme elle le fit pour le Vietnam, le Chili ou la Pologne. 

Comme par hasard, lorsqu’elle s’engagea au nom de l’humanisme dans ces combats, elle engagea la reconquête après le Chili et la victoire après la Pologne. 

La gauche doit être inconditionnellement pour le cessez-le-feu, le retrait de troupes russes et la souveraineté du peuple ukrainien !

PS, EELV, syndicats qui hier étaient au côté de Solidarność ou du Chili, doivent prendre la tête de la mobilisation.

La gauche doit en France, en Europe, comme dans le monde, dresser le mur de l’opinion devant chaque embassade russe.  

"De Londres à Paris, Budapest et Berlin, mobilisation générale pour le Cessez-le-feu ! Bas les pattes Poutine, devant le peuple Ukrainien ! Libération immédiate des prisonniers russes anti-guerre !

Ce rendez-vous avec l’Histoire a une autre importance que celui de la présidentielle où elle se perd déjà. Il s’agit d’intervenir dans le basculement du monde.

Il s’agit d'être capable d’être acteur dans le déroulement tragique de l’histoire. 

Ne pas le faire, c’est décréter que la Gauche est neutre vis-à-vis de l’Histoire et la quitter.