« Jeu de rôle » à l’Élysée
Emmanuel Macron a défrayé la chronique lors de son « jeu de rôle à l’Élysée » avec MCFly et Carlito, au point de s’attirer les foudres de son ancien laudateur, le Vicomte Philippe de Villiers le traitant de « pitre ».
Ce n’est pas la première fois que le locataire de l’Élysée se veut disruptif vis-à-vis de la fonction présidentielle. Tout en théorisant une pratique verticale du pouvoir, au point de « contrôler » la nomination des directeurs d’administration centrale.
Nous avions eu la transformation du Palais en boîte de nuit aux sonorités punk en 2018, lors de la fête de la musique ; une photographie aux tendances drag queens ; sans oublier un cliché avec un « homme d’Outre-mer » à moitié dévêtu faisant un doigt d’honneur qui avait fait couler beaucoup d’encre.
Le président-acteur endosse tous les rôles. Il peut remettre à sa place un jeune qui l’appelle « Manu » ou sauter comme « un cabri » en bras de chemise ; lors de la finale de la Coupe du Monde de football et faire la fête dans les vestiaires comme s'il sortait du terrain.
Il peut être laïque jusqu’au bout des ongles et participer à la conférence des Évêques par exemple. Le « en même temps » permet de laisser libre cours aux attitudes les plus contradictoires.
Des Macrons successifs sortent de tenue de camouflage pour mieux tromper le chaland. Une sorte de bonneteau où l’on cherche le Président derrière tous ces personnages ? Où est-il vraiment ? Ce président est partout et nulle part, endossant toutes les postures, présentant le miroir de l’instant à chaque moment.
Son parcours politique depuis sa candidature à l’élection présidentielle est le reflet de cet état caméléon. Tour à tour, nouveau progressiste pour s’engager, nouveau centriste pour gagner, jupitérien pour gouverner, fondateur d’un nouveau Monde aux accents et au look de Kennedy, libéral thatchérien pour séduire la droite, président des territoires pour juguler les gilets jaunes, Churchillien face à la Covid-19, Rooseveltien Green face à ses conséquences…Puis refusant la plupart des revendications d’une convention qu’il avait lui-même mise en place. Il ne faut pas pousser tout de même ! « Vous parlez je décide » ; sans oublier un conseil scientifique lors de la pandémie un jour faire valoir, l’autre une caution, pour finir par s’en passer pour mieux dire aux Français « je vous ai compris ».
Chaque moment politique fut l’occasion de jouer un nouveau personnage. Ce fut parfois surjoué, mais toujours avec certitude, il incarne son rôle mieux que les originaux.
Nous venons d’assister avec l’interview dans Zadig sobrement intitulée « Emmanuel Macron » a éclosion du dernier Macron , « Zadig et la destinée » avait écrit Voltaire. Le clin d’œil est énorme mais ne sera pas relevé. Que voulez-vous, nous sommes dans une époque qui manque de lettres. Ce Macron tardif sera le bonapartiste ! plus précisément, l’homme qui incarne toutes les nuances de France. Il sera toutes les Frances à la fois, faute de pouvoir les rassembler ou d’avoir pu, selon son propre aveu, les réconcilier.
Puisant dans la mémoire nationale grâce à sa grand-mère. Bienveillant avec les jacqueries françaises moyen habile de banaliser les révoltes, de tenir à distance la plèbe. Humant les territoires, les territoires des racines françaises pour mieux trouver des racines ...Certain de la résilience française pour conjuguer l’espoir, comme il sied aux hommes qui tutoient l’histoire. Le président nous présente sa posture de président candidat.
Comme nos Bonaparte, il sera conservateur et révolutionnaire, homme de l’histoire et de la jeunesse, garant de la tradition et de modernité, startupist et agriculteur bio, pro-européen et fervent patriote, protecteur des arts et du sport. N’oublions rien !
Le président - candidat - caméléon veut être le plus petit dénominateur commun du pays. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’épisode jeunisme de l’Élysée.
Mais il y a aussi une raison politique à cela. Macron ne peut partir à la bataille sur son bilan, trop clivant !
Il peut difficilement se dévoiler totalement sur son projet, car président sortant il peut être sorti, s’il fixe un calendrier trop libéral.
On sent qu’il est motivé par une seule chose, réaliser ce qu’aucun président n’a réussi avant lui : être réélu.
Il lui faut donc, nous l’avons écrit, se renflouer avant de se lancer. Peu lui importe que cette pré-campagne se fasse sur les fonds publics dévolus à la présidence. Un Bonaparte ne demande pas la permission à Toulon et au Pont d’Arcole, Napoléon III ne commence-t-il pas avec un coup d’État manqué et De Gaulle est condamné par contumace lorsqu'il se réfugia à Londres. Comme le disait Fillon, avant la primaire de la droite, « je ne vais pas y arriver sans casser un peu de vaisselle ». Emmanuel Macron ne va pas s’arrêter sur ce détail d’intendance.
Il y a une autre raison à ce nouveau cours présidentiel, plus politique celle-là ....
La montée de l’extrême droite offre une opportunité inespérée : celle d’incarner le rempart de la Nation face au moment pétainiste. Voilà qui permet de cocher toutes les cases. Présenter un nouveau rôle, secondariser le bilan au profit d’un ennemi menaçant. Du passé faisons table rase. On n’a pas reproché à Churchill ses errements en Afrique du Sud ou dans les Balkans, ou la jeunesse maurrassienne du général De Gaulle, lorsqu’ils firent face à l’ennemi.
Les confidences présidentielles annoncent une séquence héroïque comme Emmanuel Macron les aime : « l’homme qui se lève contre le vent mauvais. » Attendez-vous à l’appel au rassemblement pour faire face à ce qui menace notre Histoire et nos conquêtes.
Macron tient, pour le moment, l’instrument de la reconquête du cœur des Français : « moi plutôt que Marine le Pen ».