Le président de la République n’est qu’au début de son « crash-test Présidentielle ».
Il ne s'agit pas de partir en campagne, mais de savoir s’il peut partir en campagne. Emmanuel Macron a besoin d’un « coup de pouce sondagier » pour se décider. Le président de la République est confronté, comme tous les candidats à la Présidentielle, à l’exaspération française. Celle-ci fait ressembler notre débat national à une sorte de Ball-trap où chaque assiette ou pigeon d’argile lancé est assurément abattu. C’est pourquoi, Emmanuel Macron se déplace donc chez notre ami Michaël Delafosse, maire de Montpellier et décide d’escalader son impopularité par la face droite, très à droite. Il n’est pas anodin de commencer par l’insécurité, non que celle-ci ne serait un problème, loin de là. Nous avons traité ce sujet avec Patrice Bergougnoux et François Rebsamen dans le JDD, la veille de son déplacement . Un vieux sujet chez moi qui me fait plaider pour la République impartiale mais, chez Emmanuel Macron, il s’agit de reconquérir un électorat de droite qui est en train de lui faire défaut. C’est fâcheux, alors qu’il n’a cessé de dériver à droite. Cette martingale lui avait été utile lors des européennes, mais ne fut d’aucune utilité lors des municipales. Pire, le voilà à une portée de fusil de l’extrême droite.
Cette extrême droite banalisée, au point que Julien Dray juge que Marine le Pen est plus fréquentable que Jean-Marie le Pen.
Étrange « ce moment » où la « cancel culture » exige de ne rien oublier du passé raciste de nos célébrités, quitte à les déboulonner et d’un fondateur de SOS racisme oubliant celui de la famille le Pen.
Si Marine le Pen a - comme le recommandait le GRECE et le Club de l’Horloge - mis de côté l’antisémitisme qui la disqualifiait pour accéder aux responsabilités, au regard de la shoah selon les théoriciens de la nouvelle droite (extrême droite), elle est dans la droite ligne de la xénophobie paternelle, qui fait crier à pleins poumons dans les meetings du Rassemblement national « on est chez nous ». Et on sait que, dans ce contexte, l’antisémitisme s’enflammera sous la cendre de l’arabophobie. Cette bévue, n’est pas seulement un problème de caractérisation, mais pave le « du pareil au même », en cas de second tour des Présidentielles entre Emmanuel Macron et Marine le Pen.
Et le problème de la gauche est bien là ! Comment être la solution pour la France, sans réinstaller la droite.
Il fut un temps où ce débat aurait été qualifié de stratégique. Mais la gauche, paresseuse, préfère la communication, le buzz, le paraître plutôt que l’être.
Arrêtons de dire que notre but est d’éviter un deuxième tour Marine le Pen – Macron : c’est réduire la Présidentielle à déjouer une hypothèse. Notre but, c’est une nouvelle France, pas de faire obstacle à un pronostic sondagier. L’objectif de la Présidentielle n’est pas de conjurer le tête-à-tête entre le président de la République sortant et qui pourrait être sorti et la candidate de l’extrême droite en dynamique, et pourtant honnie, mais l’objectif est la France et les Français.
La Présidentielle, c’est un dessein pour le pays, et non une série de « punch-lignes » calibrée pour répondre aux sondages.
La gauche est pour le moins mal partie…
Rappelons, avant toute chose, cet extrait du discours de François Mitterrand dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale, en hommage à Pierre Mendès-France en 1982
« On n'achète pas la confiance du peuple, on la gagne. Et pour cela, il faut convaincre. La République commence avec la volonté de convaincre ».
Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de trucs, de raccourcis, ni de substituts à l’adhésion du peuple. Tout commence par des valeurs, des convictions et des idées.
C’est ce qui conduit Léon Blum, minoritaire, ayant tout perdu face au communisme dominant, à quitter le congrès de Tours pour fonder sa famille socialiste. C’est ce qui conduit François Mitterrand à fonder le Parti socialiste en 1971 à Epinay, isolé dans la gauche électorale par le PCF et dans la gauche militante par l’extrême gauche.
Alors ce n’est pas l’union qui fait la force, c’est la conviction. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » disait volontiers François Mitterrand, « et la conviction, c’est un projet pour la France ». « L’unité vient logiquement après, comme un agrégat de courants désunis » avais-je dit au Congrès du PS au Bourget, présentant la stratégie des assises de la transformation sociale qui débouchera sur « la gauche plurielle » de Lionel Jospin. Et cette conviction républicaine se forge dans l’équilibre.
La conviction, la rectitude des idées, l’impartialité, le chemin au milieu des éléments et des événements : voilà le fil à plomb de notre gauche républicaine écologique et sociale, ce que j’appelle une gauche responsable. Et il faut être clair ! On ne peut rassembler sur les marges.
Je n’attendais pas grand-chose de la réunion autour de Yannick Jadot ; peut-être quand même, un petit texte commun contre la diminution de l’allocation chômage prévue en juillet 2021 ; peut-être une méthode pour préparer une alliance pour les législatives. Mais il n’en fut RIEN !
Au lieu de cela, une photo moins raillée que celle de la Belle Alliance Populaire en son temps. C’est déjà cela. Et une polémique autour d’une déclaration d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, estimant qu’il y aurait une candidature commune à l’automne.
Le problème, n’est pas de savoir si cela fut dit dans la réunion, mais s’il en faut une, et si oui, qui pourrait l’être ?
Yannick Jadot a répondu dans une interview que cela ne pouvait être Jean-Luc Mélenchon en l’état.
Il ne s’agit pas de disqualifier le président du groupe de la France insoumise à l’Assemblée nationale sans expliquer pourquoi. Il n’y a pas de délit de sale gueule à gauche.
La polémique sur son « tour en Amérique latine » n’a pas de sens. Cela est bien dans les méthodes de la marconie : discréditer plutôt que discuter. Ces gens, comme d’autres sur les plateaux télé ou les réseaux, ne savent pas dialoguer mais seulement mordre.
Candidat à la Présidentielle, il est fondé à rencontrer des dirigeants étrangers. Mieux, il s’exprime sur le débat international, et c’est à partir de l’écrit qu’il faut échanger.
Sa récente tribune, dans le Monde le 14 avril 2021, démontre clairement pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne peut pas rassembler la gauche à la Présidentielle.
S’il propose un tribunal international de justice climatique et environnementale, idée intéressante en tout cas, pas souverainiste pour deux ronds, ce papier, par son autisme politique est un chef-d’œuvre. Non seulement le leader de la France insoumise appelle la France à chercher des alliés sur cette question climatique, sans citer le président Biden dont le retour dans les décisions de la Cop 21 devrait être souligné comme le plan de relance Rooseveltien qui s’attaque à la grande pauvreté et augmente les impôts des plus riches. Mais traitant des brevets des vaccins anti-Covid19 qui devraient être levés, le député de Marseille omet de citer, on oserait dire saluer, l’appel de 170 personnalités dont François Hollande et des prix Nobel pour que Biden soit fidèle à son engagement sur le sujet.
Tout est là ! La stratégie de Jean-Luc Mélenchon est la délimitation - dénonciation - avec la gauche réformiste, pas l’association.
Comment peut-on espérer rassembler, alors que son but est de se délimiter. Le principal adversaire à Mélenchon au rassemblement la gauche, c’est Mélenchon lui-même. Et je n’évoque pas les désaccords sur l'Économie, la République ou sur l’Europe.
Mais notre ami Yannick Jadot peut-il, pour autant, prétendre à jouer ce rôle comme ses compères écologistes.
Certes, nous avons l’écologie en commun. Mais tant que les candidats écolos n’auront pas rompu avec la théorie de la décroissance, il est impossible que la gauche ne se rassemble sur cette ligne, sans parler des Français.
Si le candidat à la primaire écologiste court pour éteindre les incendies allumés par ses amis maires, nous savons tous qu’il ne s’agit pas de faux pas, mais de la traduction dans la pratique municipale d’une idéologie de la décroissance. Tant que les écologistes n’auront pas intégré une culture de gouvernement, ils ne pourront faire des scores et prétendre rassembler.
Si pour Jean-Luc Mélenchon, entre lui et Macron il n’y a rien, les écologistes se veulent le « Nouvel Âge » de la gauche.
Leur stratégie est transparente. Elle est en 3 temps :
- passer devant les socialistes aux régionales et rassembler derrière eux au deuxième tour ;
- utiliser la rampe de lancement en septembre des élections allemandes (Ammela Baerbock candidate écologiste est aujourd'hui à 28 % devant la CDU 21 %, le SPD 13 %, le FPD 12 %, l’AFD 11 % et Die Linke 7%, la candidate écolo centriste voire centrale est en passe de solder la fin du cycle Khol/Merkel., et évidemment, ce coup de tonnerre allemand serait un gros coup de pouce français) ;
- et enfin, les primaires des écologistes viendraient fin septembre fermer le banc.
On comprend pourquoi Julien Bayou rappelle qu’il y a une primaire écologiste, sans fermer la porte à une alliance.
Il ne resterait plus, dans ces conditions, qu’à appeler la gauche à la raison, pour qu’elle se rassemble derrière les écologistes, même si les écolos français sont loin d’être centristes.
La radicalité actuelle des écologistes ne permet pas de rassembler la gauche.
Ce qui ne veut pas dire que la gauche peut se rassembler et gagner. Elle peut le faire aux législatives mais aussi à la Présidentielle. Mais pour cela, il faut une force centrale qui préfère incarner une ligne Joe Biden que Bernie Sanders.
Pas facile à faire comprendre dans une gauche malade de ses radicalités.
Mais ce combat mérite d’être mené et incarné.