Lors de mon rendez-vous de presse, à l'occasion de la présentation de mon livre « Hier, aujourd'hui et demain », puis dans mon intervention lors du séminaire sur la social-démocratie, j’ai fait une mise au point en forme de vœux pour l’avenir.

Voici le texte de synthèse des deux événements.

Je n’ai jamais aimé l’excommunication du quinquennat de Hollande. C’est une concession à un pôle de radicalité qui est incapable de peser sur les événements. On peut réclamer un droit d’inventaire. Je l’ai fait par écrit. J’en ai même parlé à François Hollande. Je ne me suis pas caché. On peut aussi mesurer le rapport de forces dans la Gauche et le prendre en compte. Mais on ne peut pas, lorsqu’on est chargé de l’avenir, cracher sur le passé. 

Cela ne sert à rien, cela ne trompe personne et dessert notre cause commune.

On ne peut pas aborder le moment présent avec les lunettes d’hier. Il faut être lucide. 

Le pronostic vital de la Gauche est engagé. Et le regroupement des sociaux-démocrates (Engageons-nous, Debout les socialistes, Nouvelle société, Inventer à Gauche, Le Temps des conquêtes etc.) est un assemblage prometteur, avant impact.

Pourquoi le pronostic vital ? La Gauche va être éliminée du 1er tour de la Présidentielle et marginalisée lors de législatives, faute d’alliances évidemment. La Gauche est divisée, mais elle est aussi datée et radicalisée. 

Le cœur de la gauche, qui est celui de la réforme, du réalisme et de la responsabilité, ne s’est pas reformulé et il est trop faible pour ordonner la Gauche. 

Jamais dans l’histoire de la République, a fortiori sous la cinquième, la Gauche n’a subi une telle relégation. 

Peut-être en 1958 et encore ! Nous allons vivre un 2002 collectif. En 2002, le PS était certes KO debout, mais suffisamment solide pour reconstruire une alternative. Aujourd'hui, ce n’est plus le cas. 

Ne nous trompons pas. La défaite est aussi idéologique. C’est la droite identitaire, la nouvelle droite, chère à Alain de Benoist, qui domine le champ culturel : Identité, Immigration, Insécurité. 

La Gauche a renoncé à défendre l’esprit de la République, tout autant que la question sociale. 

La question écologique est devenue le mantra de la Gauche. Ce que nous ne regrettons pas, mais zappant le social et la République.

Le résultat de cette Gauche hors-sol sociale, c’est qu’elle est hors-jeu électorale. Et qu’elle le sera lors des législatives si elle est aussi divisée. 

Mais la Gauche n’est pas seulement dans un corner électoral et minoritaire idéologiquement, elle n’a plus de ressort social. Regardez depuis 24 mois ! Où est le mouvement social ? Où sont les syndicats ?

Pourquoi ?

Tout simplement parce que le mouvement social, pour indépendant qu’il soit, ne peut s’articuler sans débouché politique.

Nous avons une Gauche anémiée, sans colonne vertébrale, ses marges dominent et donnent le la. 

Et ce n’est pas la compétition pour le champion du petit bain Présidentiel qui la relancera.

Pour autant, nous ne sommes pas les derniers Samouraïs chargeant pour l’histoire les troupes de l’amiral Perry, incarnant la modernité.  

Notre combat n’est ni celui d’un esthétisme désuet, ni le point d’orgue d’un passé sépia. 

Nous sommes des guetteurs de sens.

Nous ouvrons un nouveau cycle ! 

Certes dans l’anonymat. Mais pas plus anonyme que celui des congrès d’Alfortville, Issy-les-Moulineaux, ou celui d’Épinay. 

On nous dit que ce n'est pas facile !

Etais-ce facile d’affronter le talon de fer du Gaullisme et la domination du parti communiste ? 

Etais-ce facile d’affronter ma génération étudiante qui dominait la jeunesse scolarisée ?

Etais-ce facile d’être hors-jeu dans le mouvement de 68 ? Mitterrand n’a même pas pu parler à Charléty.

Cela n’a jamais été facile, parce que, pour la droite et la Gauche de la Gauche, nous sommes illégitimes.

Mitterrand n'a jamais couru après ce qui lui semblait l’apparence des choses.

Il a construit une offre politique et stratégique en se tournant vers les Français. En offrant un débouché électoral.  

Soit nous nous déterminons vis-à-vis d’un mouvement social qui se radicalise, tout autant, par les coups du libéralisme, du nationalisme d’exclusion, que de notre incapacité à fixer un cap et nous serons ballotés par les événements. Nous ne serons jamais acceptés, quelles que soient nos preuves de radicalité. Soit nous prenons comme boussole le peuple de France et répondons aux Français d’aujourd’hui dans la France d’aujourd’hui. 

Il faut se tourner vers les Français et cesser le champ de vision de la radicalité qui nous éloigne des Français.

Il ne s’agit pas, pour autant, d’adhérer au libéralisme radical de Monsieur Macron mais d’incarner une réponse social-démocrate au monde tel qu’il est, puis de chercher les moyens d’unir les gauches et les écologistes tels qu’ils sont.

Il faut être disponible aux événements qui surviennent. Rien n’est stable. Rien n’est figé. 

Je serai disponible aux événements et je ne m’interdis rien.

Notre boussole, c’est la réponse sociale-démocrate dans les événements, tels qu’ils surgissent. Nous sommes dans une époque de crises et de tournants brusques.

Il faut tout faire pour que notre gauche reprenne sa marche en avant à la Présidentielle. Nous ne savons pas ce que sera la donne et qui aura les 500 signatures. Il faut le faire, car plus nous serons haut, moins il sera difficile de fonder la social-démocratie. 

Nous allons avoir d’autres épreuves. La primaire populaire par exemple. Cette belle idée est aujourd'hui dévoyée. C’est une belle idée que de se battre pour l’unité. Nous l’avions fait avec Lionel Jospin lors des assises de la transformation sociale. Mais là, nous savons pour qui elle a été bâtie. 

Tout a été dit sur son périmètre idéologique sans contour sur la République, la laïcité, sur son refus du nucléaire et son mode de désignation.

Le nombre d’inscrits n’est pas plus probant. En 2016, lors de la primaire du Parti Socialiste, nous avions 1 600 000 votants au premier tour de la primaire du Parti socialiste et 2 000 000 au second tour. Cela n’a pas fait plier Mélenchon et nous avons terminé à 6 %.

Ne soyons pas naïfs. Il y a derrière cela une volonté politique de construire un Podemos, un Siryza, un Die Linke à la française. 

Le résultat sera une candidature en plus et une clarification en moins.

Il faut tout faire pour faire barrage à la droite nationaliste qui précipite la France dans le chaos identitaire. 

Il faut tout faire pour construire une union aux législatives. Nous ne serons pas au second tour. Donc aucun candidat de Gauche ne sera Président de la République. 

Mais le gagnant sera confronté à l’archipellisation, à la fragmentation et à la division. La Présidentielle ne provoquera pas la stabilité. C’est cela le moment politique de décomposition. Le paradoxe de la situation tient au fait que la Gauche peut être totalement marginalisée dans la division ou à contre-cycle si elle est unie, la plus grande force du parlement. Même si la droite l’emporte, elle sera le refuge de tous ceux qui fuiront le macronisme déchu. Il faut ouvrir la perspective d’une cohabitation de Gauche. 

Mais qu’est-ce qu’ils attendent pour aller en ce sens. C’est soit cela soit l’abîme.

Il faut tout faire pour refonder la Gauche, construire un courant social-démocrate. Il faut, à cette nouvelle Gauche, son congrès d’Épinay. Même si ce vocabulaire est un peu lui aussi daté. Mais nous nous comprenons ... 

Il ne s’agit pas de se mettre derrière une personnalité. Nous discutions, il y a peu, avec Lionel Jospin. Et nous nous rappelions sa formule à propos d’Épinay : « il nous fait, tout autant, qu’il nous a fait » en parlant de François Mitterrand. 

Il faut un travail de fond. Mais comment est-il possible, par un sectarisme obtus, de mettre de côté ce que vous avez fait chez Debout les socialistes, chez Engageons-nous, ou Nouvelle société. 

Peut-on se passer de la réflexion de l’ancien Président de la République François Hollande et de ce qu’il propose dans son livre « Affronter » ? Vous croyez que la Gauche peut dans le moment que nous traversons se passer la contribution de Bernard Cazeneuve sur « La Nation » et vous croyez que nous sommes suffisamment forts vis-à-vis des écologistes pour zapper ce que nous apporte Stéphane Le Foll avec son dernier ouvrage « Renouer avec la France des lumières » ?

Il y a dans tout cela l’essence d’un programme au compte d’une stratégie qui veut recapitaliser la colonne vertébrale de la Gauche au profit de l'union.  

Ce n’est pas l’union qui nous refondera. Mais notre refondation qui fera l’union. 

Les piliers de cette refondation sociale-démocrate, c'est la République, le social et l’écologie.

La République, tout découle d’elle. Le social, c’est le cœur de tout. Nous devons être ou redevenir le parti du social, de ceux qui ne vivent de rien, des précaires, des exclus, des discriminés, de ceux qui n’ont pas de logement etc. C’est-à-dire du peuple !! Nous avons cette urgence, sans perdre de vue que nous sommes en économie de marché. Et nous ne devons pas faire l’impasse sur ce qui est le défi de l’humanité : le climat, l’écologie en pensant à la transition. 

Alors vous aurez la chance sur de nombreux Français de pouvoir dire St Ouen : "J’y étais !"