Pour un nouveau modèle de développement tout milite pour une nouvelle économie politique : l’urgence du court terme avec la récession devant nous ; le long terme avec l’urgence d’une croissance propre.
D’abord l’urgence économique et sociale :
Il faut protéger pour éviter de l’effondrement. Et si la protection de la production ne peut se faire au détri- ment du social, elle nécessite des dispositions spé- cifiques. Car l’activité en moins, ce sont des entrées fiscales en moins, de la précarité et du chômage en plus. L’accroissement des déficits, pour nécessaires qu’ils soient à court terme, ne fait pas une politique. C’est en deux temps qu’il faut envisager la politique économique : éviter l’effondrement et bâtir une nouvelle croissance. Ces deux en un ne peuvent être abordés avec les outils conceptuels libéraux d’hier. Il faut rompre avec le consensus de Washington, qui oblige depuis quatre décennies à la stricte discipline budgétaire, à la baisse de la pression fiscale sur le capital, à la contraction des salaires, à la mise en cause de l’État social.
Il faut s’émanciper de ce diktat idéologique et c’est ce que nous commençons à faire pour conjurer la catastrophe.
La BCE a injecté dans l’économie européenne les moyens nécessaires au premier choc. Les États ont mis en œuvre une politique de première néces- sité (chômage partiel, report de charges...). Les normes budgétaires ont volé en éclats. Ce qui était hier impossible est devenu nécessaire. Il n’est pas opportun de le critiquer.
La crise étant tout à la fois celle de l’offre et de la demande, il faut répondre aux deux, stimuler la consommation et soutenir l’offre. Cela veut dire : renforcer l’aide aux PME (allègement exceptionnel de l’IS) ; verser une prime de pouvoir d’achat de 1000 euros (aux ménages de moins de 4000 euros) ou une prime exceptionnelle pour les personnels exposés ; mais aussi mutualiser la contribution à la relance (taxe exceptionnelle de solidarité sur la fortune et abandon de jours de congés ou de comptes épargne temps) ; imposer une prohibition de 6 mois dans le rachat des entreprises françaises ; mais aussi la dis- tribution forfaitaire d’argent hélicoptère ( ex.1000$ aux États-Unis ) et en plusieurs fois ; étaler dans le temps les charges et soutenir les trésoreries par des prêts bancaires garantis par l’État, tout en soutenant la relance du commerce de proximité à travers la vente à domicile. L’urgence nécessite un plan d’en- semble tout autant que la nouvelle croissance.
Si une attention particulière doit être apportée aux secteurs stratégiques – santé, agroalimentaire, défense, nouvelles énergies, nouvelles technologies, il faut immédiatement penser une nouvelle politique économique. Son fil à plomb est la réindustrialisa- tion par la reconquête technologique et donc la prio- rité nationale sera les dépenses dans la recherche numérique, l’intelligence artificielle et l’écologie. C’est dans cette dimension écolo-numérique que réside la nouvelle croissance.
La croissance est à ce prix. Et c’est une nouvelle politique économique qui doit la porter.
Non seulement la révolution de l’immatériel doit être investie par la puissance publique, mais il faut la penser comme un nouveau développement des forces productives, de la démocratie. La maîtriser, comme une nouvelle vie de l’État social, comme un co-développement écologique, loin des théories de décroissance et du numérique totalisant. C’est un nouveau développement économique et humain, une nouvelle frontière qu’il faut fixer à la politique économique. C’est la raison pour laquelle on ne peut déléguer ce nouvel Âge de notre croissance à des « entreprises Monde ».
La nouvelle économie politique ne sera pas l’écologie radicale ou la radicalité technologique. Mais le réformisme écolo-numérique de notre temps qui allie l’impératif de l’un et la maîtrise de l’autre dans une tension commune pour l’intégrité humaine.
L’écolo-numérique est la nouvelle révolution industrielle, moteur d’une nouvelle société. Elle induit un nouveau rapport au travail qui doit générer ses protections. Elle propose des nouveaux modes de consommation qui doivent permettre le développement des circuits courts. Elle propose de nouveaux modes de loisirs qui doivent être investis par la culture et l’éducation. Elle doit permettre une démocratie plus directe, plus inclusive, plus instructive.
La France, mais aussi l’Europe doit porter ce big-bang avec leurs propres outils et leur propre éthique, c’est-à-dire l’intégrité humaine. Il s’agit ainsi de créer un nouveau modèle de développement.
La dépendance aux données anglo-saxonnes et aux matériaux rares monopolisés par la Chine est un problème majeur de souveraineté. C’est ici que réside la vraie frontière du XXIème siècle.
La nouvelle croissance ne peut plus se mesurer en termes quantitatifs comme le fait le produit intérieur brut. Mais si l’emploi ne serait être négligé au nom d’un nouvel indicateur qualitatif, celui-ci doit rendre compte de la nouvelle politique économique du nouveau modèle de développement.
Une nouvelle fiscalité doit s’imposer, doit s’intégrer avec cet objectif. La taxocologie ne saurait être le meilleur moyen pour la transition écologique. Il faut unir écologie et l’innovation. Ce n’est pas la finance qu’il faut verdir, c’est d’abord la production. Et pour que celle-ci soit au rendez-vous de ce défi, elle doit être tirée par les nouvelles technologies. Quant à la fiscalité elle-même, elle doit retrouver du sens. Comme hier le consentement à l’impôt était porté par l’industrialisation et l’extension des services publics. L’impôt doit être au service d’un État stratège pour le nouvel Âge de la croissance. Il lui faut retrouver sa progressivité, une assiette plus large, des taux modérés et le concours de tous les acteurs sociaux, avec le recours aux impôts exceptionnels sur la richesse en fonction d’objectifs humains. Quant à la taxation des GAFA, elle doit correspondre à leur nature. Mieux vaut taxer le clic que le chiffre d’affaires.
Une nouvelle hiérarchie, un nouveau modèle de gouvernance s’impose dans cette nouvelle politique économique.