La France est largement jacobine. Nous la voulons résolument girondine.

La centralisation de l’État tout au long des siècles, de la royauté à la révolution, de l’Empire aux Républiques, a constitué la Nation française.

Ce monopole du pouvoir central a unifié les régions, diffusé l’instruction, planifié le développement économique.

Avec la Vème République, la centralisation du pouvoir et de l’administration ont fusionné.

Si la Vème République est à bout de souffle, la centralisation administrative est aujourd’hui essoufflée. L’État jacobin, tel qu’il est advenu, ne correspond pas aux Français d’aujourd’hui dans la France d’aujourd’hui, ni au monde de demain.

Une lente bureaucratisation s’est installée, étouffant l’initiative pendant que l’État se paupérisait.

La révolution du numérique s’impose et une nouvelle organisation de la société aussi. Elle délaisse la structure verticale de l’ère industrielle au profit de l’horizontale, de l’ère immatérielle.

Nous vivons une révolution et une véritable dégénérescence de l’État et des appareils idéologiques d’État, pendant qu’une aristocratie technocratique issue du monde d’hier bride la France de demain.

Les libéraux, eux, ne veulent pas porter atteinte à l’État jacobin mais souhaitent que celui-ci privatise les services publics. Ils ne veulent pas un nouveau compromis mais l’extension du domaine du marché.

La France doit se libérer du carcan des centralisations multiples qui freinent son dynamisme : centralisation administrative et politique qui veut que tout procède de l’Élysée ; centralisation financière qui veut que tout se décide à Bercy ; centralisation économique qui veut que les « entreprises monde » imposent leurs modèles de consommation à obsolescences programmées.

Ce nouveau compromis historique entre l’État et les collectivités doit faire de la bureaucratisation son sujet et rendre aux puissances publiques leur efficacité.

Ce nouveau compromis suppose quatre ruptures : premièrement, pas de décentralisation sans autonomie propre à chaque niveau de collectivité ; deuxièmement, pas de décentralisation sans redéfinition des missions de l’administration centrale dont les tâches doivent se concentrer sur le régalien ; troisièmement, pas de décentralisation sans donner aux collectivités une compétence pleine et entière dans tous les domaines transférés par l’État ; quatrièmement, pas de décentralisation sans transfert de nouvelles compétences.

Ce nouveau cours de la nation doit être tranché par la nation elle-même.

Elle s’accompagnera d’une véritable démocratie budgétaire en supprimant l’article 40 de la Constitution et ainsi transfèrera le pouvoir d’élaboration budgétaire de Bercy à la représentation nationale.

D’une part, la décentralisation doit être le lieu de la démocratie partagée. D’autre part, l’État doit être celui d’un régalien restauré.

La sécurité, la justice, la diplomatie, la défense sont à rebâtir. Tout le reste doit être décentralisé même si l’Éducation nationale doit être aménagée, les services essentiels préservés et l’orientation de la nation codécidée.

Dans le domaine régalien, la sécurité est la première des libertés. On ne peut défendre le vivre ensemble sans une police formée, motivée, encadrée et respectée. Il faut, pour ce faire, assurer aux citoyens un droit égal à la sécurité. Ceci implique de revoir l’organisation de nos services de sécurité verticaux et étanches. La police doit prioritairement protéger les citoyens et non être une police du pouvoir. La défense des forces de sécurité mais aussi le strict respect de leur déontologie sont nécessaires pour faire de ceux-ci un garant du vivre ensemble. Il faut la libérer des actions chronophages pour la recentrer sur son objet : casser les bandes qui gangrènent les quartiers et la société. C’est un autre aspect des conditions du
vivre en société. Pour ce faire, il faut rendre obligatoires les polices municipales en leur confiant les tâches de proximité aujourd’hui dévolues à la Police nationale. Enfin, il est temps de mettre sur pied une « Garde nationale » mobilisant les réserves de l’Intérieur, de la gendarmerie et de l’armée, encadrant un service civique de mission pour tout jeune de 20 ans.

Mais, il n’y a pas de sécurité sans liberté et justice indépendante.

À force d’état d’urgence répété et de législation d’exception installée, on transforme les régimes d’exception en mesures permanentes, telles les fouilles, les interdictions administratives, les assignations à résidence, des rétentions de sûreté dont la mise en œuvre relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration bien plus que l’autorité judiciaire.

La justice souffre toujours de son fil à la patte d’un État politique présent nommant et influençant la justice. Aucun président n’a voulu renoncer à ce lien de subordination. Le temps de la dépendance punitive et de l’attitude des magistrats pendant la Seconde Guerre mondiale est révolu. La rupture définitive entre le parquet et l’exécutif est devenue essentielle. La France a été à maintes reprises condamnée en Europe pour ce refus d’indépendance. Mais, dans le même temps, les droits de la défense doivent équilibrer la procédure accusatoire. L’un ne va pas sans l’autre.

La diplomatie doit être réarticulée autour d’une stratégie d’influence plus que d’une stratégie de puissance sans les moyens de l’exercer.

La défense forte du nucléaire, aujourd’hui confrontée à la guerre des drones et des robots sans les moyens de la mener, ou aux « guerres bactériologiques » sans les moyens de les conjurer, sans oublier la cyber-menace devenue une réalité, doit être repensée.

Le Général de Gaulle, à la fin des années 30, pensait la guerre et réclamait l’investissement dans les chars. Il faut penser la guerre qui vient pour nous maintenir en paix sans renoncer à mutualiser notre sécurité en Europe.