C’est bientôt la rentrée. Les marronniers sont de sortie. Et pourtant la situation n’a rien d’habituel.
Les défis sont inédits. Jamais, depuis la guerre d’Algérie, la France ne se sera autant cherchée, pour savoir qui elle est, où elle va. Jamais, depuis le traité de Rome, l’Europe n’a été aussi fragilisée ; jamais, depuis la fin de l’affrontement Est-Ouest, la paix n’a été aussi froide entre Russes et Américains.
La Chine s’est éveillée mais cauchemarde en pensant à Hong Kong. Le monde se fractionne, la guerre commerciale fait rage, le terrorisme se métastase.
Face à tous ces conflits, beaucoup ont choisi le confort du conformisme. Beaucoup de politiques font comme si rien n’avait changé. Pourtant, en politique aussi, l’inédit est partout. La droite est évidée, prise en tenaille par l’extrême droite xénophobe qui impose sa grille de lecture et par le macronisme qui lui a volé son programme économique. Après s’être juppéisé, le Président s’est sarkozyfié. En 2022, il sera de fait le candidat de la droite.
De son côté, la gauche est dans un état d’anémie rarement vu. Les démons de la division se sont emparés des esprits. Tous pensent à la prochaine élection mais encore avec les concepts d’hier. Le score général de la gauche se réduit comme peau de chagrin pendant que la guerre des égos bat son plein. Étrangement, tous semblent s’entendre sur la maxime suivante : se diviser pour régner.
La gauche a pourtant encore beaucoup à dire et à faire. Elle est un espace en voie de mutation, pas une espèce en voie de disparition. Encore faut-il l’aimer et porter fièrement ses luttes, dire qu’elle est une magnifique éthique, qu’elle est le patrimoine des créateurs et des insatisfaits. Je ne suis pas un héritier, ni par ma famille, ni par mes études.
J’aime la gauche. C’est comme ça, j’ai la fibre de la révolte.
J’aime la gauche car elle croit dans l’égalité jusqu’au bout.
J’aime la gauche car elle déteste les injustices.
J’aime la gauche quand elle est unie.
J’aime la gauche rose, rouge et verte.
J’aime la gauche qui aime la patrie et abhorre le nationalisme.
Oui, j’aime la gauche bleu, blanc, rouge.
Réseau transpartisan. J’aime la gauche qui prend le réel par le col sans jamais quitter l’idéal du regard. J’aime la gauche utile, qui aspire aux responsabilités et donc à la majorité. « J’aime la gauche » est le nom du réseau transpartisan que je lance ces jours-ci, pour rassembler les acteurs, les penseurs, les entrepreneurs et les militants associatifs de la gauche, des chercheurs aussi, ainsi que des fonctionnaires, que j’ai croisé au fil des années. Pour réfléchir ensemble, pour proposer un nouvel imaginaire progressiste, pour travailler sur l’essentiel : forger des réponses aux temps nouveaux et travailler à l’union.
Penser le nouveau progressisme c’est rompre avec les idées d’hier mais aussi avec les tactiques d’avant-hier. L’espace socialiste doit rompre avec l’égotisme et l’hégémonisme de la stratégie mitterrandienne qui a fait des miracles mais dans un tout autre contexte, celui du bipartisme. Nous avons désormais besoin d’une stratégie adaptée au multipartisme.
L’union ne se fera cependant que sur le fond, c’est-à-dire sur une nouvelle définition de ce qu’est la gauche et de ce qu’elle veut, pour servir ses idéaux mais surtout les Français. Il n’y aura pas d’union sans une définition nouvelle et celle-ci ne peut aboutir que dans l’union. J’assume de dire qu’il faut bâtir une nouvelle gauche plurielle. Je n’ai ni la gauche honteuse, ni l’union peureuse. Car si rien ne change, la gauche sera condamnée à jouer les seconds rôles et donc à voter pour Emmanuel Macron au second tour de 2022.
J’aime la franchise aussi. Alors, je le dis : Depuis quelques semaines, un faux débat agite les appareils. Faut-il dire écologie sociale ou social-écologie ? Faut-il se dire de gauche ou écologiste ? Comme s’il fallait choisir. Beaucoup de militants veulent voir dans l’écologie l’avenir de la gauche mais certains leaders écologistes pensent que la gauche appartient au passé.
Soyons clairs : Sans l’écologie, le socialisme est dépassé ; Sans socialisme, l’écologie est impuissante.
Nous ne pourrons durablement répondre au péril écologique que si nous remettons en cause le système financiarisé actuel. En d’autres termes, pour la gauche, le combat continue et se prolonge. La préservation de la planète passe par un nouveau mode de production et de redistribution. La gauche a une expertise à faire valoir en ce domaine. Pourquoi l’écologie politique devrait-elle s’en passer ?
Il ne faut pas se voiler la face : Si la gauche devait rester éloignée des responsabilités, la France risquerait de perdre son âme et de prendre un tout autre visage, antisocial et anti-écologique. Aujourd’hui déjà, elle se désagrège, faute de véritable projet commun. Le Président a lancé un train de réformes qui attaque tout ce qui fait la France et, sans surprise, va accentuer la fracture politique avec le pays qu’il fait semblant de déplorer.
Financiarisation anglo-saxonne. Le pouvoir macronien veut imposer au forceps la financiarisation anglo-saxonne à notre pays, alors même que la France a une responsabilité majeure pour repenser le modèle de l’état social européen. En parallèle, le pouvoir macronien exploite toutes les potentialités du jacobinisme pour étouffer toute initiative venant des territoires, alors même que les territoires sont le creuset de l’innovation pour affronter la révolution de l’immatériel et le défi écologique.
Voilà pourquoi j’entends travailler à la nouvelle définition de la gauche et me battre pour l’union. Penser la gauche pour une nouvelle France, voilà l’urgence. La France a besoin d’un nouveau souffle, pour affronter les crises conjointes, pour surmonter la violence qui s’estemparée des débats, pour mettre enfin l’esprit français d’entreprise et d’entraide au service de tous et de l’avenir.
Le macronisme ne peut pas le faire. Le Président ne croit pas dans la politique. Il pense pouvoir faire l’économie de la politique et des débats. En voulant dépasser le clivage gauche droite, il n’a fait que libérer les populismes. En bridant les initiatives locales, il empêche la France d’être fidèle à son rang et de proposer un nouveau modèle de société pour notre temps : social, écologique, inventif, démocratique, laïc et républicain. Bâtir le monde de demain, quel beau défi ! Cela tombe bien, la gauche aime les défis.
Pour lire la tribune dans L'Opinion, cliquez ici