L’Europe fut la rédemption d’un siècle de guerres, de barbarie, et de nationalisme en Europe.

L’Europe fut la rédemption d’un siècle de guerres, de barbarie, et de nationalisme en Europe. 

Plusieurs générations ont vécu en paix, en partie grâce à l’Europe. L’effondrement de l’URSS, la libération des pays d’Europe centrale, la réunification allemande n’ont débouché sur aucune guerre. Pour la première fois, la fin d’un Empire n’a pas débouché sur des conflits. 

L’Europe n’est pas une nation mais une construction. Elle n’a pas de légitimité propre mais elle est le produit de la volonté des nations qui la composent et les traités qui l’unifient. 

L’Europe a pour autant des traits qui la différencie d’autres parties du monde. Un haut niveau de liberté, la séparation des pouvoirs, un État de droit, une puissante société civile, mais aussi un idéal d’égalité. L’Europe est le berceau du mouvement ouvrier, de la social-démocratie et de l’État social. La place des femmes y est plus respectée qu’ailleurs et le racisme moins toléré. L’éducation pour tous et la culture pour chacun est une réalité. Et l’indépendance de la presse assurée. Enfin, l’Europe est le continent le plus sensible et le plus avancé dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si L’Europe est l’un des plus grands marchés au monde, le chômage, les inégalités, les relégations y sont légion.  

Deux tentatives de l’unifier ont échoué : celle d’un grand marché sans autres règles que celles du droit à la concurrence s’est abîmée dans le Brexit ; celle de la subsidiarité où une hiérarchie unifiée de droits et de devoirs des nations devaient régir l’Europe unifiée sous la bannière d’une constitution s’est heurtée à l’échec du traité de Maastricht. Adoptée sans avoir été adoubée par les peuples, elle a laissé place à un traité de Lisbonne sans portée réelle. 

L’Europe est dans un entre deux, mi-supranationalité mi-grand marché, mais aucune nation n’ayant totalement adopté l’un ou l’autre. 

Elle s’en suit une construction ordolibérale où la norme des traités est le droit et le libéralisme économique la logique.  

À cette construction, pour le moins byzantine, se conjugue la tentation d’une Europe allemande. Le récent arrêté de la cour de Karlsruhe vient de nous en administrer la preuve. Elle intime l’ordre à une institution communautaire la BCE de justifier son action au regard des traités. Tant que l’Allemagne ne sera pas européenne, l’Europe butera sur la solidarité et son développement. 

L’Europe doit se réorienter et pour tout dire se reformuler autour d’un principe qui dénoue les contradictions en cours : l’Europe coopérative. 

L’Europe mutualise ce qui lui permet de rivaliser à des ensembles continentaux comme les États-Unis ou la Chine. L’Europe forge des objectifs communs qui viendraient se substituer à l’Europe du seul marché et de la quête de la subsidiarité. L’Europe doit revenir à la théorie de l’engrenage chère aux fondateurs du traité de Rome où on évoquait, à juste raison, des politiques communes. L’erreur fut de bousculer les rythmes par une constitution européenne qui tentait un compromis entre l’Europe politique et le marché libéral et échoua sur l’incompréhension des deux. L’autre erreur symétrique fut sous l’impulsion de l’Angleterre de s’en tenir à un grand marché de libre-échange. Il faut donc aujourd’hui l’Europe coopérative.

Dans le domaine de la défense, la sécurité, le climat, la culture, de la prévention des risques, la coopération est essentielle.  

Dans le domaine économique, la coopération vient de faire un bond déterminant en décidant de lancer un plan de soutien commun de 750 milliards d’euros. 

La prochaine étape doit être le serpent fiscal comme il y eut le serpent monétaire dans les années 80. Les règles de l’emploi doivent suivre le même chemin, non pour un grand marché mais un vrai marché, avec un haut niveau de protection sociale. 

Un conseil de sécurité écologique doit permettre de construire une volonté commune dans ce domaine. Et une politique commune du numérique exercera notre indépendance et la maîtrise de notre destin dans le monde de demain.

L’Europe n’est pas une grande Suisse mais une civilisation qui a vocation à l’équilibre dans le monde.  

Elle doit se doter d’une Est politique. La géographie commande de maintenir la tête occidentale de la Russie en Europe et non de laisser dériver cette dernière dans un duopole avec la Chine. La participation de la Russie au sommet à l’organisation de coopération de Shanghai et le lancement d’une fusée russo-chinoise habitée en sont les manifestations. 

Mais l’Europe et au premier chef la France doivent promouvoir l’Euro-Méditerranée. Il s’agit ainsi de retrouver un nouvel espace de croissance et de mutualiser les moyens pour coopérer avec l’Afrique, futur relais de croissance mondiale.  

L’Euro-Méditerranée ne peut se désintéresser du Moyen-Orient qui est son arrière-cour. L’intégrité du Liban, d’Israël et d’un futur État palestinien, des Kurdes, des chrétiens d’Orient, des Druzes, d’une coexistence pacifique entre chiites et sunnites sont constitutives d’une diplomatie de proximité essentielle à la sécurité européenne. 

Si la France fut le bras armé de l’Europe au Mali contre le fanatisme terroriste islamique, elle doit être considérée comme telle. Ses dépenses militaires doivent compter dans le calcul de ses déficits. 

L’Europe coopérative doit être portée par une vision du monde et de ses intérêts vitaux. Les traités de libre-échange sont aussi stratégiques que l’Est politique et l’Euro-Méditerranée d’autant qu’ils impliquent un moins-disant social et environnemental.