Lettre ouverte à François Hollande, Bernard Cazeneuve, Jean-Marc Ayrault, Anne Hidalgo, Hélène Geoffroy, Stéphane Le Foll, Martine Aubry, Patrick Kanner, Rachid Temal, Valérie Rabaud, Philippe Doucet, Laurent Azoulay, Carole Delga, Michaël Delafosse, Karim Bouamrane à tous les Socialistes. 

Cher.e.s Ami.e.s, 

Nous sommes à quelques nuances près d'accord sur l'essentiel : le résultat des présidentielles appelle à une profonde refondation. Et ceci est rendu d'autant plus nécessaire que notre pays traverse une multitude de crises qui nécessitent une Gauche de transformation responsable, décomplexée vis-à-vis de la radicalité. 

Nous évoquons, les uns et les autres, le chemin d'une refondation, d'une nouvelle époque, d'un mouvement populaire social-démocrate, que sais-je encore... 

Ce n'est pas le chemin choisi par l'actuelle direction du Parti socialiste qui engage en notre nom un processus d'intégration de fait dans l'Union populaire de Jean-Luc Mélenchon, sous prétexte qu'il aurait « gagné le match à gauche dans l'élection Présidentielle », c'est-à-dire que le premier des battus devrait être le premier de cordée. 

S'il n'est pas interdit - nous l'avons toujours fait - de rechercher l'union, il faut le faire à partir de son projet pour les Français et de la volonté de rassembler les gauches pour rassembler les Français. Alors, pourquoi accepter une négociation exclusive avec Mélenchon ? N'aurait-il pas fallu mener des discussions avec les écologistes, dont on nous disait, il y a peu, que nous pourrions nous effacer devant eux à la Présidentielle ? 

Cet « accord » n'est pas acceptable en l'état pour trois raisons.  

D'abord la méthode, il ne s'agit pas d'une proposition de coalition mais d'une redditionMélenchon est déjà parti en campagne alors que les discussions sont à peine entamées. Le slogan c'est Mélenchon ; le Premier ministre c'est Mélenchon ; la photo de campagne c'est Mélenchon ; le programme c'est Mélenchon ; et le sigle commun sera imposé à tous. C'est toujours Mélenchon. 

Nous refusons tous un PS "mélenchonisé" sur une orientation qui stupéfie tous les leaders sociaux-démocrates en Europe.

Ensuite, pour des raisons programmatiques. Comment le parti de Mitterrand, de Jospin et de Hollande pourrait-il accepter de sortir des traités européens ? Et surtout dans ce moment où l'Europe est confrontée à la guerre menée par la Russie. 

Comment pourrions-nous fonder la VIème République alors que les institutions ne permettent pas au Premier ministre de le faire ? 

Comment accepter cette réforme des retraites qui coûtera 47 milliards d'euros au pays ? Au point d'ailleurs qu'Olivier Faure s'en est lui-même alarmé. 

Il convient aussi d'ajouter les autres dépenses vertigineuses impraticables pour qui veut sérieusement gouverner. Et ce n'est pas en disant que la BCE annulera la dette que cela rendra cette approche crédible. 

L'accord n'est toujours pas acceptable pour des raisons de représentation. Le premier secrétaire du PS a indiqué qu'il y aurait des sacrifiés pour conclure l'accord. La France insoumise revendique la majorité absolue des circonscriptions gagnables. Est-ce nous qui décidons qui seront les sacrifiés ou la direction de l'Union populaire ? Et ceci sur quel critère ? Nous avons gagné des villes lors des dernières municipales, la direction du PS ne cesse de le rappeler. Faut-il croire qu'il est impossible de gagner des circonscriptions sous nos couleurs ou dans une alliance locale avec les écologistes et les communistes ? 

Enfin, que vient faire dans un accord programmatique de gouvernement la contrition sur le passé du PS et le quinquennat Hollande ? 

A la sortie du premier round de négociations, Manuel Bompard triomphant, déclarant : « Ce n'est pas le même PS », car nous aurions renoncé à tout, fait peine à voir. 

Il n'est pas possible d'accepter dans la forme et le fond cet accord en l'état. Il ne s'agit pas seulement de pester chacun dans son coin en estimant que « la suite passera par moi ». Il faut, si un tel accord était confirmé, s'y opposer. 

Car au bout, c'est la possibilité de se refonder qui est en cause. Déjà des militants s'en vont sur la pointe des pieds. Et le premier secrétaire a intimé l'ordre à ceux qui s'opposent de partir avant tout congrès. 

Pourtant, c'est une question stratégique qui est en cause. Il y a rarement eu dans l'histoire du Parti socialiste de congrès stratégique. Là si, une identité propre renouvelée ou une intégration dans un bloc mélenchonisé. 

La suite dépend de nous. Il serait temps de se coordonner pour résister et se refondre. 

Parlons-nous, les Ami.e.s !