L'horreur dans le désert tunisien fait partie du moment de négrophobie dans le Maghreb. En Algérie, en Libye et surtout en Tunisie, sous l'impulsion du président Kaïs Saïed, qui condamne "les hordes visant à changer la composition démographique du pays", une vague de racisme souffle. Les migrants subsahariens sont pourchassés à Sfax et dans toute la Tunisie. On les déporte dans le désert, jetant des êtres humains, des femmes et des enfants sans nourriture ni eau. Une condamnation à mort pour être Africain... Et personne ne s'en émeut. On ne peut combattre le racisme ici et le laisser-faire là-bas.

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Vilnius ou les journées des dupes. La surenchère rhétorique est venue compenser l'absence d'engagement pratique. Personne ne souhaitait réellement que l'Ukraine rejoigne l'alliance, car cela aurait signifié la présence de troupes sur le terrain. Le président Macron a déclaré vouloir livrer à Kiev des missiles à longue portée Scalp, tout en affirmant ne pas remettre en cause sa stratégie de ne pas frapper le sol russe. Il faudra nous expliquer comment ? De toute évidence, le président veut se racheter de son début de guerre en demi-teinte et de ses sorties à propos de l'OTAN en mort clinique. Le rôle de Vilnius n'était pas un salon de vente d'armes, et l'adhésion de la Suède était anecdotique, sinon pour savoir ce que Erdogan a obtenu en échange. Il aurait fallu initier le système de sécurité de l'Ukraine, mais il n'y eut que des mots. Si le front reste stable encore dans quelques mois, il faudra se poser les bonnes questions : imposer le cessez-le-feu ou intervenir sur le terrain. Le soutien sans participation sera devenu insupportable pour nos concitoyens et pour les Ukrainiens. Je l'ai dit dès le premier jour... Nous y sommes ! Le temps de la désescalade ou l'engrenage va arriver.

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Les généraux Sourovikine et Popov, proches, si ce ne sont complices de Prigojine, ont dénoncé les limogeages dans l'armée russe avant l'offensive en Ukraine. Ce reproche à Poutine évoque à dessein celui exercé envers Staline, juste avant l'opération Barbarossa d’Hitler envahissant la Russie. C'est une mèche longue sous le siège de Poutine.

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Les Français sont sévères sur les 100 jours qui devaient conduire à l'apaisement, si ce n'est à un rebond ou une nouvelle donne. 78 % des Français ne sont pas satisfaits, c'est-à-dire 8 points de plus qu'à l'époque du mouvement sur la retraite à 64 ans. Ce désamour ne peut qu’émousser les républicains dans leur envie de revenir au pouvoir via une coalition avec la majorité présidentielle. Le point de rupture s'approche.

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L'État se désengage des banlieues et voudrait que les familles s'y engagent. Éric Zemmour estime à ce propos que "Ces gens-là sont gorgés d'allocations et de privilèges de toutes sortes." Nous parlons, je suppose, des 1514 quartiers prioritaires de la ville. On se souvient que la politique de la ville est née en réponse aux émeutes de Vaulx-en-Velin en 1989. Le budget "dingue" s'élève "seulement" à 597,5 millions d'euros. Ramené aux populations vivant en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), c'est-à-dire 5,4 millions, cela fait donc 110 € par an et donc 10 € par mois.

Il faut ajouter l'ANRU et ses 12 milliards pour la période 2014-2030. Et là encore, seul 1,2 milliard est à la charge de l'État. 8,4 proviennent de "l'action logement" assis sur les cotisations des entreprises et 2,4 de l'union sociale pour l'habitat ; voilà pour les flux financiers. Le rapport Borloo indiquait en outre : "les communes disposent de 30 % de capacité financière en moins, alors que leurs besoins sont de 30 % supérieurs." Et puis comment s'étonner que les allocations soient plus concentrées dans ces quartiers car précisément ils concentrent le plus de pauvreté.

Enfin, 40 % des familles dans ces quartiers sont monoparentales... C'est dire que s'attaquer aux familles de manière punitive est une idiotie. Car supprimer les allocations, c'est automatiquement les remplacer par des larcins et des trafics de toutes sortes.

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Comme nous l'avions écrit dans ces colonnes il y a quelques semaines, après les coups de semonce des agences de notation, la France va basculer dans l'austérité. C'est ce que nous dit le ministre du Budget, Gabriel Attal, dans les colonnes du Figaro. Pour faire face à un endettement de 3000 milliards, le gouvernement s'est résolu à "taper sévère" dans les dépenses (emplois aidés, aides sociales, arrêts de maladie, etc.)

C'est à cela que doit servir Élisabeth Borne avant d'être remerciée. La motion de censure agitée par Ciotti pourrait servir à cela.

La méthode Coué en vogue dans les couloirs du pouvoir, à savoir la page des retraites est tournée, fait fi du profond mécontentement qu'elle a engendré. Et comme on ne touchera ni à l'armée, ni à la police, ni à la justice, ce sont les dépenses sociales et une pause dans la baisse des impôts qui vont s'imposer. Le problème n'est plus "faut-il stopper les déficits ?" mais les conséquences sur le climat social des mesures envisagées. La rhétorique ronflante du ministre consistant à dire "si nous ne le faisons pas maintenant, nous serons obligés de passer à l'austérité plus tard", ne change rien à l'affaire. Nous allons bien entrer dans l'austérité et au pire moment vu les conditions sociales. Tant la cruche va à l'eau qu'à la fin elle se casse.

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N'en déplaise à l'ultra-gauche, il n'y a pas de racisme systémique, mais un racisme endémique. Dire que la République est raciste par système, c'est paradoxalement réduire le problème à l'État - ce qui n'a pas de sens - sans regarder la société et les ressorts historiques du racisme en France. Et surtout, se priver de la République pour combattre la xénophobie.

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Jean-Luc Mélenchon accuse Emmanuel Macron d'entraîner le pays vers le pétainisme. Pendant ce temps, les amis du Président accusent le leader de la France insoumise d'être à l'origine des émeutes ou en dehors de la République. Un pugilat tout en nuances, bien dans l'ère du temps. Le président godille en fonction des événements, un coup autoritaire - Blanquer, un coup libéral - Pap Ndiaye, pour revenir ces jours-ci à l'autorité. Le président n'a pas de cap, cela ne le transforme pas en Pétain pour autant. Certes, la violence des interventions policières, l'interpellation à la sortie d'un concert pour des propos - il est vrai un brin délirant - de la fille de Jacques Higelin, jubilant sur l'appel au meurtre du président ; la manipulation de nos institutions pour faire passer la retraite à 64 ans ; le recul des libertés publiques ; l'accentuation du libéralisme économique qui s'attaque aux plus faibles ; le rejet du plan Borloo ; ou maintenant l'austérité en marche, etc. Tout cela est pour le moins inquiétant et critiquable. De là à dire que c'est du pétainisme, c'est se payer de mots. Jean-Luc Mélenchon est dans la surenchère verbale. Il souffle sur toutes les braises, rêvant d'enflammer le pays. Et en attendant, il enflamme la Gauche révolutionnaire contre la Gauche réformiste, au prix d'un double manquement : la responsabilité du libéralisme dans la crise sociale et de l'extrême droite dans l'état du pays. Pour autant, cela ne fait pas de lui le déclencheur des émeutes urbaines.

Comme pour les gilets jaunes ou le mouvement sur les retraites, Mélenchon doit se contenter d'être la mouche du coche. Une fois soulignés ses manquements à "l'éthique de responsabilité", on ne peut croire que la dénonciation du leader de la France insoumise règle le problème des banlieues et de la Gauche.

Ces invectives réciproques n'ont aucun impact sur cette réalité. Elles visent au mieux à conforter une clientèle électorale. Mais elles participent à la décomposition de l'espace public qui permet à Marine Le Pen d'attendre son heure.

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Dans la nuit du samedi 8 juillet au dimanche 9 juillet, la NUPES a éclaté. À la veille du débat "Dessine-moi une Gauche" entre Bompard-Tondelier-Faure lors du Festival des Idées à la Charité-sur-Loire, le coordinateur de la France insoumise a annoncé à ses partenaires qu'"il jette l'éponge car la rupture est consommée". Dans cette nuit fiévreuse, le premier secrétaire du PS a eu toutes les peines du monde à retenir le député de Marseille. Les critiques de Faure à Lyon (chez Hélène Geoffroy) à l'encontre de Mélenchon, la marche du PS vers une liste autonome aux élections européennes, la marginalisation de LFI lors des élections sénatoriales, la coupe était pleine. Le PS a malheureusement sauvé, l'espace d'un moment, l'union dans la nuit en plaidant que rien n'était figé dans le marbre et que le texte commun PS-LFI sur l'Europe suivait son cours. Cet épisode révèle l'état de nerfs de la France insoumise face au déluge de critiques, ce qui fait dire à l'éditorialiste d’Ouest France : "Les insoumis n'ont plus la main." Il suffit pour s'en convaincre de lire le tweet vengeur de A Quattennens, sortant de sa réserve, à l'encontre de Roussel : "Mentir à propos de Mélenchon est la cotisation pour être membre de l'arc républicain... bientôt membre du gouvernement ?" Et ce n'est pas l'annonce d'un courant pro-NUPES à la rentrée autour du maire de Gennevilliers qui va améliorer les choses. Le leader du PCF, à ce moment de doute, souligne aussi les interrogations stratégiques du PS : tout à la fois sûr de l'impossibilité de présenter une liste commune avec LFI aux élections européennes et certains que la fin de la NUPES aurait des conséquences néfastes pour les fauristes. Ils seraient orphelins de la NUPES sans être les pères des sociaux-démocrates. L'espace de Faure se réduirait à néant dans un entre-deux. C'est la raison pour laquelle la direction du PS est dans le dilatoire sur le sujet, repoussant toujours à demain le choix.

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Laurent Wauquiez, déjà très à droite, a franchi le pas qui fut celui de Ciotti : l'adhésion à la problématique de l'extrême droite lepéniste. Dans son interview au Figaro, il lance un appel à l'union nationale sur l'immigration, la sécurité et le mérite. Il s'agit non seulement du programme culturel de l'extrême droite des années 90, mais du programme tout court de Jean-Marie Le Pen en 2002. Le bloc nationaliste est maintenant prêt.

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Le patron de la DCRI estime, dans Le Monde, qu'à côté du terrorisme toujours vivace dans le Nord de l'Irak, on banalise l'ultra violence de la mouvance de l'extrême droite et s'en dit inquiet. Il est probable que la victoire de Marine Le Pen déclencherait une dynamique dans ces groupes, et très rapidement, le RN serait débordé tout en étant violemment contesté par un antifascisme virulent. Non seulement la victoire de Marine Le Pen, de plus en plus probable, serait une défaite de la République, mais les dynamiques qu'elle engendrerait mettraient notre pays au bord de l'abîme.

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Mark Rutte est le cauchemar de l'Europe. Le Premier ministre néerlandais, un moment érigé en allié préféré d'E. Macron, combine un libéralisme dogmatique à une orthodoxie budgétaire pointilleuse. Il vient d'ajouter une corde à son arc : un nationalisme d'exclusion très extrême-droite. Après 12 ans de règne, "Téflon" comme on le surnomme dans son pays, vient de faire éclater la coalition qui l'a porté au pouvoir il y a 543 jours, sur la question très tendance dans l'Europe actuelle de l'accueil des réfugiés. Un prétexte pour tenter de contenir, là encore, la montée du parti d'extrême droite PVV de Geert Wilders. Il s'agit d'introduire des quotas pour les enfants de réfugiés en zone de conflit. Si vous aviez besoin d'être convaincu des effets de la vague nationaliste en Europe, cet exemple est chimiquement pur. Les droites en Europe, comme en France, en rajoutent chaque jour un peu plus dans la symbolique xénophobe, sans pour autant traiter le problème dans sa globalité, mais en pavant le chemin de l'extrême droite. Nous vivons ainsi le moment nationaliste.

A dimanche prochain.