Pour l’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis, qui lance son réseau Nouvelle société samedi, il est urgent que le PS avance de nouvelles propositions.


Interview de Jean-Christophe Cambadélis publiée dans Le Parisien le 15 septembre 2020


Quel constat faites-vous en cette rentrée sur l’état de la gauche ?

Les gauches désespèrent la gauche : elles sont désunies, sans boussole ni refondation. Elles font l’impasse sur la désagrégation républicaine, sur la désintégration sociale, sur la sécurité et sur la désindustrialisation. On a une gauche pasteurisée, qui ne peut créer l’élan nécessaire au redressement du pays.

Vous êtes sévère…

Je ne fais que décrire la situation. Les écologistes nous inventent une écologie de rupture et l’urgence écologique se résume à l’urgence de passer devant les socialistes. La France insoumise nous fait du Valls à propos des deux gauches irréconciliables. Quant aux socialistes, ils peinent à imposer l’union et à réinventer la social-démocratie.

Quelle serait la différence entre l’ancienne et la nouvelle social-démocratie ?

Avant on disait qu’il fallait redistribuer et étendre les libertés, c’est aujourd’hui caduc. Nous sommes dans une nouvelle époque où l’Etat social ne peut plus fournir et où les gens veulent plus de protection que de liberté. C’est tout un logiciel qu’il faut réinventer, le travail est considérable.

Que doit faire le PS ?

Il doit se refonder, construire une nouvelle maison qui soit intransigeante sur la République et la laïcité, qui soit crédible sur l’économie, réformiste sur l’écologie et bien sûr social.

Sur tous ces points vous estimez que le PS n’est pas au clair ?

C’est Olivier Faure (ndlr : le patron du PS) qui le dit lui-même dans sa dernière interview où il explique que le PS n’est qu’à mi-chemin de sa refondation. J’encourage les socialistes à faire plus vite, plus fort et à construire une nouvelle social-démocratie. Il semble s’y préparer mais pour après les élections régionales de mars 2021. Or s’il n’y a pas d’unité nous allons au désastre aux élections régionales puis à l’élimination au 1er tour de la présidentielle. Quant aux élections départementales, je rappelle qu’il faut 12,5 % des inscrits pour se maintenir au second tour : si la gauche y va en ordre dispersé c’est la victoire assurée de la droite. J’en appelle à une prise de conscience collective de toute la gauche pour qu’elle se ressaisisse.

Croyez-vous vraiment, compte tenu des différences entre les gauches qu’il soit possible de s’unir derrière un candidat commun à la présidentielle ?

Il n’y a pas d’union sans combat. Mais pour pouvoir combattre il faut être clair sur ce que l’on veut et ensuite on fait les compromis nécessaires. Je ne critique pas ceux qui veulent l’union, je dis simplement l’union pour quoi faire ? Vous ne pouvez pas dire qu’il faut un candidat commun et que ce candidat c’est les autres…L’union ce doit être : une plate-forme commune et un candidat désigné en commun.

Si on vous comprend bien, Olivier Faure a mis la charrette avant les bœufs ?

Je m’adresse à toute la gauche. Nous voulons le retour de la gauche ! Sans rénovation pas de crédibilité, sans accord pas de victoire. Le premier secrétaire a fait des propositions pour l’unité et les écologistes ne l’ont même pas invité à leur université d’été. Il a appelé à des universités communes, les écologistes ont répondu qu’ils auraient des candidats aux élections régionales, départementales, sénatoriales et à la présidentielle. Je crois qu’il est temps d’engager le débat avec les écologistes sur l’écologie de rupture comme avec Jean-Luc Mélenchon sur la laïcité et l’Europe. Mais pour cela il faut d’abord pouvoir dire aux Français qu’il y a une nouvelle maison socialiste et du nouveau dans nos propositions.

La gauche a-t-elle encore suffisamment de temps pour éviter un second duel Macron-Le Pen en 2022 ?

C’est une nécessité car le seul que Marine Le Pen puisse battre, c’est Emmanuel Macron. Je redoute pour la France ce nouveau duel. Ce n’est pas possible ! Raison de plus pour que la gauche soit au combat. Elle a une chance car cette fois Macron sera plus bas au 1er tour. J’en suis persuadé, cette présidentielle reste ouverte.

Vous accepteriez qu’à la présidentielle l’unité se fasse derrière un insoumis ou un écologiste ?

C’est peu probable. Parce que l’unité ne se fera jamais sur la radicalité. Et les Insoumis comme les écologistes le savent. Personne ne peut penser que l’unité puisse se faire autour de la rupture avec l’Europe, sur des positions floues en matière de laïcité, sur des positions économiques qui ne prendraient pas en compte les données du moment. Si c’est l’ultimatum, alors il n’y a pas de débat d’idées ni de possibilité de compromis. Devant l’opinion, je ne suis pas sûr que cela soit tenable. 

Quel rôle entendez-vous jouer ?

Il est tout simple, c’est de dire, en homme libre, ce que je pense. Et ce que je pense c’est qu’il faut remettre la gauche sur le ring. C’est une nécessité pour la France.

Quelle tâche fixez-vous à votre réseau Nouvelle Société ?

Je veux travailler sur le fond, sur l’union et sur la refondation. Ce réseau qui regroupe notamment des hauts-fonctionnaires, d’anciens préfets, des universitaires a commencé à travailler depuis deux ans sur des tribunes par exemple sur la sécurité, le logement ou encore l’Europe. Nous allons officiellement lancer Nouvelle Société samedi à Belleville, au restaurant La Lune de miel, un nom tout à fait adapté pour faire d’union de la gauche (rires).

 

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