Bonjour

Pour respecter le temps imparti et ne pas perdre en précision, j’ai décidé d’écrire mon propos.

D’abord merci à François Rebsamen et la FNESER pour cette invitation et ce débat qui me semble essentiel.

La gauche sociale-démocrate est morte ? Et bien vive la nouvelle social-démocratie ! La social-démocratie était fille de la domestication sociale de l’industrialisation, fille de l’État-providence, fille de l’extension des libertés,donc du refus du capitalisme sauvage et du communisme qui ne l’était pas moins.

Ces 4 piliers social-démocrates sont désormais obsolètes : l’extension de l’État-providence se heurte à sa paupérisation ; l’extension des libertés, à la volonté d’être protégé. Quant au communisme ce n’est plus le sujet et le capitalisme et son marché sont maintenant mondiaux.

Au fond ce mouvement s’est initié à la fin des années 70 avec la révolution conservatrice et le consensus libéral de Washington. Dans le même temps les politiques libérales ont fait de l’Etat social l’ennemi.

La mondialisation du marché, la montée du capitalisme financier, la révolution de l’immatériel ont fait éclater les structures sociales du capitalisme industriel et, par voie de conséquence la base sociale de la gauche.

Devant cette évolution, cette évaporation, deux positions s'y sont affrontées dans le courant progressiste : 

 - les tenants de l’adaptation à la réalité et à la modernité ;

 - les tenants de la résistance aux tendances lourdes que je viens de décrire.

La dernière tentative de tenir les deux bouts fut la gauche plurielle là où partout en Europe la tendance était au nouveau centre au pouvoir ou à la radicalité sans pouvoir. 

La gauche d’adaptation a perdu petit à petit sa base sociale et nous n’avons pu tenir que par le remord de 2002 et le rejet de Chirac, de Sarkozy ou de Le Pen. La Gauche de protestation a perdu toute perspective de pouvoir, se contentant de se maintenir dans le confort relatif de la contestation. 

Assimilation ou témoignage ? Chacun accusa l’autre. Restera la division qui, comme toujours, ruina la gauche. Cela aurait pu durer jusqu’à la marginalisation posant même la question de la disparition de la gauche.

Et puis, tout à coup, après 20 ans d’errements, de succès éphémères sur fond de crises des gauches, nous sommes rentrés dans un nouveau cycle. Après une longue stagnation, le temps est à l’accélération. 

Le choc de l’arrêt économique planétaire, le confinement d’une partie de la planète, la crise sanitaire mondiale ont créé une rupture, une brèche dans le modèle néolibéral dominant. 

Les urgences deviennent conjointes :

1/ l'urgence sanitaire ;

2/ l'urgence économique ;

3/ l'urgence sociale ;

4/ l'urgence climatique ;

5/ l'urgence numérique ;

6/ l'urgence républicaine ;

7/ l'urgence stratégique ;

8/ la sécurité ;

9/ les violences faites aux femmes.

Et pléthore de sujets, à commencer par la sécurité, les maladies chroniques, voire la panne éducative ou le vieillissement, les libertés individuelles face aux algorithmes et les tentations liberticides de tous les populismes, le racisme ou la pauvreté et le précariat etc. 

Tout s’engouffre dans cette voie d’eau dans le système économique et social. Et la conjonction des urgences, la mise en pause du modèle néolibéral ont produit une repolitisation inattendue, un désir de changement, la recherche d’une nouvelle époque, le renouveau de la pensée, (…) et des concepts. 

Les tribunes, les textes, les initiatives se sont multipliés. La demande est telle que tous les médias ont laissé place aux tribunes. Il y en a partout comme le foisonnement des clubs ou des groupuscules dans les années 60 avant 68 et Épinay. L’époque était alors à toutes les émancipations. Ici la période est à reprendre le contrôle. Pouvons-nous comme en 71 être le débouché de cette demande nouvelle ? Ma réponse est oui !

Les municipales ont marqué une incontestable présence du socialisme municipale au côté d’une percée écologiste que nous avons aidée...N’oublions pas quand même l’effondrement de la participation qui est une bouderie démocrate. C’est un vrai sujet !

Mais ce que nous avions constaté lors des sénatoriales se confirme : le courant social-démocrate est là, même s’il a perdu sa force propulsive. C’est d’ailleurs le sujet. Le retour des socialistes dans les mouvements sociaux est indiscutable même si la prudence, voire l’hostilité vis-à-vis de la gauche de gouvernement est encore dans de nombreuses têtes à gauche ... C’est un autre sujet ! Et je n’évoque pas la représentativité des socialistes au parlement et dans les collectivités locales.

Alors, il n’y a aucune raison de baisser la tête ou de raser les murs. D’autant que, partout où nous regardons dans le monde et dans notre pays, ce n’est qu’instabilité.

Nous pouvons, à nouveau, définir une conception globale du monde, surmonter ainsi la crise des gauches toutes dépassées et renouer avec une gauche populaire. Il y a non seulement un espace électoral entre deux forces qui ne se réclament pas ou plus de la gauche mais il y a aussi une demande de nouvelle société. Il faut y répondre en créant une nouvelle maison : celle des nouveaux socialistes. 

La nouvelle social-démocratie, c’est-à-dire les nouveaux socialistes est, tout à la fois, une possibilité objective et une nécessité de traiter l’urgence sanitaire, sociale, climatique ou républicaine. C’est l’urgence politique. Il faut avant tout travailler sur le fond. L’on peut déjà fixer les nouveaux territoires de cette nouvelle gauche. 

Les nouveaux socialistes doivent défendre des causes dans une époque émolliente et ouvrir la perspective d’une société décente : faire de l’intégrité humaine le vecteur d’un nouveau progressisme ; réinventer l’Etat social à l’ère du numérique ; inventer la société écologique par la réforme, ce que j’appelle l’écologie douce ; réindustrialiser la France à l’ère du défi écolo numérique, refonder la République à l’ère de l’individualisme et du communautarisme que j’appelle le patriotisme républicain capable de donner sens à la fraternité laïque et bâtir un nouveau compromis historique entre le jacobisme en crise et les collectivités locales en demande ; reconstruire l’Europe coopérative pour une Europe civilisatrice ; un nouveau corps de doctrine pour la France d’aujourd’hui et les Français d’aujourd’hui.

Un énorme travail de redéfinition permettant de dépasser les vieilles gauches, les querelles d’hier et donc de réunir la famille. Je crois que nous pouvons reconstruire une offre globale qui réponde aux différentes demandes du pays. Et je pense même que c’est notre destin. 

La situation le permet ! Le pire n’est jamais plus devant nous. C’est le renouveau qui s’offre à nous. Les Français ont compris : Macron c’est la deuxième droite. Et ces deux droites vont se déchirer sous le regard menaçant et de plus en plus fort des identitaires d’extrême droite qui rodent. Ce qui rouvre la présidentielle. 

Ne me demandez pas qui sera le candidat à la prochaine présidentielle ! Nous avons la chance paradoxale d’en avoir beaucoup et aucun ne s’impose ! Car on ne peut s’imposer dans le cadre d’hier pour inventer demain. Et surtout, on ne réussira pas seul. 

Souvenez-vous de la phrase de Lionel Jospin : « Mitterrand nous a fait autant qu’on l’a fait ».

Nous avons le temps alors que les autres se déchirent déjà. Nous avons le temps de bâtir la nouvelle maison de la gauche avant de savoir qui en sera le locataire. 

Ne me demander pas s’il faut s’unir. « L’unité pour l’unité n’est pas une solution » dit-on à LFI. 

Alors essayez la division, vous ne serez pas déçu du résultat. L’unité, c’est une évidence, une nécessité, un impératif. Mais nous avons des partenaires évanescents, le PC ; des partenaires qui veulent faire chambre à part, les écologistes. 

Donc il ne faut pas abaisser notre offre pour unir mais la rétablir pour imposer l’union. Et ceci d’autant que la question sociale va faire un retour fracassant en cette rentrée (chômage, pauvreté, pouvoir d’achat ...). La Covid19 a désorganisé la société et pose la question sociale dans toute son acuité : perte de 11% du PIB, de 115% de déficit, 1 million de chômeurs en plus, un pouvoir d’achat en régression… La récession sera planétaire et la Banque Mondiale prévoit 100 millions de nouveaux pauvres

Pour justifier que soit la lutte contre la Covid-19, la question sociale va écraser le débat. Ne vous y trompez pas !

Si la gauche veut à nouveau un destin, il lui faut un nouveau dessein. Et la situation s’y prête, partout. Dans toute la gauche, il y a des initiatives. Il faut les soutenir comme ce fut le cas avec l’ « initiative citoyenne » ou la plateforme « cités en commun » d’Anne Hidalgo.  

Il y a maintenant et ici présent, l’initiative de Laurent Joffrin. Son imitative doit vivre sa vie, il faut la respecter. Mais les socialistes ne peuvent être indifférents. Car ils ont en tête un dépassement, un nouvel Épinay ou peut-être, un peu moins daté, un printemps socialiste qui donne naissance à une nouvelle maison pour une nouvelle-France, et, accessoirement, pour aborder après les sénatoriales, les départementales, des régionales décisives. Car les écologistes veulent passer devant les socialistes là où nous sommes sortants et plier ainsi la présidentielle nous fixant comme mission de les suivre. La stratégie du « poussez-vous qu’on s’y mette » bat son plein chez nos amis écolos. Franchement, on ne peut déclarer l’urgence pour la planète et réduire ce combat à prendre la place des socialistes.

Et l’avenir de la nouvelle social-démocratie n’est pas d’être le partenaire junior de qui que ce soit mais d’ouvrir le chemin à gauche et de rassembler en respectant et en étant respecté.

En attendant, notre urgence c’est de nous redéfinir pour répondre à l’urgence politique.

Les élus, comme toujours, ont une grande responsabilité dans ce renouveau mais le Parti socialiste aussi. Olivier Faure avait placé le Congrès sous le signe de la Renaissance. C’est le moment !!!

Les conditions sont mûres. Ne les laissons pas pourrir.

Vous avez compris que je vois un avenir à la famille social-démocrate et pas un avenir de témoignage à condition qu’elle se refonde et réponde à sa manière aux défis de notre époque. 

« Il faut saisir la situation par les cheveux » comme disait François Mitterrand !

Notre regretté Henri Weber aimait cette phrase. Et si je cite la mémoire de Henri c'est qu il n y a pas de famille, de famille politique sans mémoire sans union des générations. On ne peut prétendre refonder et réunir la gauche sans réunir sa famille. 

Merci !