DU PROGRAMME COMMUN AU PROGRAMME PARTAGE :

LA NUPES OU LES CONVERGENCES AU DEFI DE LA DEFIANCE

Il y avait une stratégie, des candidats, il ne manquait plus que le programme : La Nouvelle union populaire écologique et sociale l’a rendu public, dévoilant ainsi ce qu’elle propose au pays pour les cinq ans à venir.

Ce programme législatif dense est le fruit des travaux de La France Insoumise qui y travaillait depuis de long mois dans un processus inclusif associant des milliers de personnes à la réflexion dans une démarche d’autant plus enthousiaste que, à la différence du Parti socialiste, LFI n’a ni expérience gouvernementale, ni tradition parlementaire longue ni réseaux de hauts fonctionnaires habitués aux arcanes de l’Etat.

Cela peut alléger la pensée, mais cela peut aussi empêcher, parfois, d’avoir les pieds sur terre.

L’apport des trois autres partis n’est pas mince, mais on a fait l’impasse sur des débats qu’on ne peut réduire en trois jours et, bien des désillusions à venir trouvent leurs causes dans les non-dits de ces dernières semaines.

LFI pouvait considérer son programme « pré-validé » par les électeurs du fait du résultat du premier tour de l’élection présidentielle, même si, dans cette élection, on le sait, le débat sur les projets n’a pas eu lieu.

Pas très loin, pour une rare fois dans son histoire de ces 15 dernières années, le projet du Parti socialiste, dans son élaboration, n’avait pas associé les militants. Ces derniers purent évidemment le voter, et on leur promit un pouvoir d’amendement… « après » le vote…

Si le programme est « partagé », c’est qu’il n’est pas « commun » et de ce point de vue, la langue française est bien faite. Le partage suppose la division, la répartition, le démantèlement, voire le doute sur quelque chose. On est loin de l’idée de « commun » qui domina l’Union de la gauche il y a cinquante ans ou les « combats communs » des élections européennes de 2019 pour le Parti socialiste, Place publique et Nouvelle Donne.

Si on entre dans le contenu, on peut être surpris de voir l’absence de la laïcité du chapitre sur l’éducation alors que c’est bien à l’école qu’on peut commencer à l’enseigner. Cette laïcité qui, pour les auteurs, semble plus menacée par le régime concordataire en Alsace-Moselle que par les coups de canifs réguliers qui, des piscines aux écoles, confondent liberté et retour à un certain ordre moral que l’on croyait réservé à la droite réactionnaire, foulant au pied l’égalité femmes-hommes au nom des croyances…

De même, le manque de volontarisme au sujet de l’égalité salariale est inattendu. On proclame « la mise au pas de la finance », mais pas la réalisation immédiate de l’égalité salariale. Pour le coup, dans son programme, Anne Hidalgo était bien plus déterminée !

On a beaucoup commenté les divergences à propos de l’Europe et cela se ressent dans cette prudence tactique qui a conduit les auteurs à prendre quelques précautions sémantiques autour du thème de la « désobéissance aux traités européens ».

Tant le réalisme des députés européens LFI qui ont remplacé ceux du PCF à Strasbourg que l’expérience des eurodéputés socialistes et écologistes ont conduit les rédacteurs à jouer sur les mots.

Jean-Luc Mélenchon lui-même, réécrivant l’histoire à cru trouver dans les récentes décisions des gouvernements espagnol et portugais sur le blocage des prix du gaz, des choix de désobéissance alors qu’il s’agissait du fruit de négociations avec la Commission européenne.

Entre le suivisme ordo-libéral des traités « à la lettre » et l’aventurisme de la « désobéissance » il y a la politique et la formation d’alliances durables au niveau européen, or le risque de l’isolement en Europe n’est pas une vue de l’esprit.

Les auteurs reconnaissent le rôle du Parti socialiste, « attaché à la construction européenne et ses acquis, dont il est un acteur clé » dans un texte qui voit l’Union européenne comme un carcan. Si on peut être fier d’avoir contribué à la construction européenne, la contribution des Insoumis ne se limite qu’à la critique du Traité constitutionnel dont deux des acquis sont pourtant précieux : le renforcement du parlement européen et la politisation de la Commission : c’est bien parce qu’il y avait des sociaux-démocrates aux postes stratégiques en son sein et dans quelques gouvernements de pays importants que le plan de relance post Covid fut adopté, faisant sauter un verrou que le PS avait longuement combattu avec d’autres partis européens, l’impossibilité de mutualiser la dette.

Enfin, assurer, s’agissant des partenaires que « leur liberté de vote sera respectée » trahit bien un certain état d’esprit : Si dans une union c’est la base, dans une satellisation, existe tôt ou tard la tentation de l’oukase.

A l’heure où nous écrivons, il y a toujours un candidat Insoumis face à Fabien Roussel comme s’il s’agissait de le « punir » d’avoir, par son score, barré la route du deuxième tour à Jean-Luc Mélenchon !

Cette forme d’union n’est pas si populaire et si elle est « écologique et sociale », c’est en tout petit sur l’affiche.

Cela n’a pas échappé à la sagacité des amis d’Emmanuel Maurel qui ont donné naissance à la Fédération de la gauche républicaine, comme pour prendre leurs distances avec la mélenchonisation alors qu’ils ont toujours été des partisans de l’unité autour d’un projet plutôt qu’autour d’une personne parce qu’on sait bien que la personnalisation en politique, cela finit toujours mal.

La gauche a besoin d’un maximum de candidats socialistes à l’Assemblée nationale, pas seulement pour sauver un groupe parlementaire, mais également pour créer les conditions du rebond. Cela passe par une cohérence idéologique. Si le PS ne peut pas se défausser sur les gouvernements socialistes entre 2012 et 2017, il doit travailler à la façon d’articuler son rapport au pouvoir – un travail qui n’est jamais mené jusqu’au bout, de même qu’il doit revoir son lien avec le mouvement social, dans une relation qui ne soit pas bêtement instrumentale.

C’est ainsi que l’on pourra, avec le plus grand nombre, bâtir une nouvelle société, celle fondée sur la liberté ordonnée, l’égalité réelle et la fraternité laïque. Une société qui se nourrit évidemment des territoires, mais aussi de l’engagement acharné d’hommes et de femmes pourquoi la citoyenneté ne se limite ni au vote ni à la protestation.

C’est le sens de notre démarche.