Contrairement à ce que tout le monde semble penser, Emmanuel Macron n’est pas seulement un technocrate obsédé par la conversion de la France au modèle anglo-saxon. Même si c’est sa seule nature idéologique, c’est aussi, ou dans le même temps, un politicien dans le sens le plus vulgaire du terme. 

Emmanuel Macron est issu de la gauche, théorisant le nouveau verticalisme pour imposer des réformes abusivement appelées progressistes. Après avoir utilisé le rejet des frondeurs, et de la gauche de résistance pour s’extraire de celle-ci, il épousa le centrisme à la mode Bayrou pour l’emporter, dans une séquence qui vit Juppé être battu, Hollande renoncer, Valls être écarté, Hamon se radicaliser et Fillon être éliminé par les affaires. 

Une fois gagnée la présidentielle, troisième métamorphose : le nouveau monde censé briser les partis et le clivage gauche-droite pour imposer une nouvelle donne au centre, ordonnant la vie politique dans un clivage progressistes et populistes. 

Cette posture, tenant d’une imposture, se heurta à un obstacle inattendu : les Gilets jaunes.

Après avoir été déstabilisé, le président entama une quatrième mutation : le parti de l’ordre, étonnamment abandonné par Laurent Wauquiez et les Républicains dans cet épisode de colères et de violences. 

Emmanuel Macron lâcha tout ce qu’il était possible de lâcher, pour répondre à une quête de pouvoir d’achat et à une colère devenue endémique. Ce qui provoqua un retour de la case déficit que Macron a gérée par un regain de tension avec l’Allemagne et sauta donc, allègrement, sur la case centre-droit. La démission de Gérard Collomb puis de Nicolas Hulot ferma la parenthèse dite « et de gauche et de droite ».  

La divine surprise des européennes où, bien que battu par Marine Le Pen, LREM sauva les meubles grâce à une transfusion électorale inédite, où la droite lâcha la droite, pour adhérer à l’offre macaroniste. Un grand remplacement, alors que l’électorat de gauche du macronisme fuyait dans les mêmes proportions l’offre politique du président.

Cette situation provoqua la 5e mutation. Loin de rééquilibrer à gauche, l’exécutif n’a en tête que de finir le travail à droite. Il s’agit de s’installer durablement à droite. Le débat sur les quotas, sur la PMA, l’appel des maires à rejoindre Macron et la reconnaissance d’un père biologique du macronisme, à savoir Georges Pompidou, n’a pas d’autre but.  

Le but est non seulement de siphonner la droite, mais de réussir les municipales en faisant du centre droit modernisé un produit d'appel. 

Les mesures sur l’assurance maladie ou l’assurance chômage, reprenant la marche libérale mise entre parenthèses par l’épisode Gilets jaunes, n’ont pas d’autres fins que de profiter de la vacance à droite. Sans chef, celle-ci est sans espace : Marine Le Pen campant sur le conservatisme sociétal et Macron sur le libéralisme économique. Nicolas Sarkozy ou l’éternel recours voit ce dernier opportunément contrarié par le retour en fanfare des affaires. Et Xavier Bertrand est maintenant face à un champ de ruines et à un Emmanuel Macron ayant pris place dans son propre camp. 

Emmanuel Macron se moque de la gauche, concédant aux derniers des Mohicans de la gauche macaroniste, l’autorisation de faire parler d’eux. Le changement de Premier ministre est éloigné à court terme, comme l’est tout autant l’inflexion à gauche. L’urgence est de finir le travail à droite. 

Le locataire de l’Élysée estime que la percée des écologistes est un sujet, mais contrarie durablement une offre crédible venant du PS.

Dans ce tableau idyllique, que nombre de commentateurs enluminent, viennent se glisser de gros cailloux. 

De façon tout à fait étonnante, mais réelle, un front anti Macron s’est constitué sur l’affaire de la privatisation d’ADP. Le « en même temps » de droite et de toutes les gauches est en marche. Ce que nous avions remarqué lors des élections partielles est aujourd’hui visible dans un combat emblématique. 

Les élections municipales vont au deuxième tour, voir le retour de l’union de la gauche et des écologistes. Le retrait temporaire de Jean-Luc Mélenchon occupé à contenir Clémentine Autain, et retrait plus sérieux de Benoit Hamon, marquent la fin de la séquence des frondeurs. Au PS même, la gauche des socialistes s’interroge à construire, avec Olivier Faure, une nouvelle majorité post-hollandaise.

Cela indique que le verrou des deux gauches irréconciliables a sauté. Mais surtout qu’une nouvelle union, rendue possibilité, ne se fera pas sous pavillon mélenchoniste. Cette perspective faisant fuir le centre gauche, l’axe social-écologiste, à définir évidemment, offre le vecteur d’une recomposition.

Enfin, à force de martyriser la CFDT, et de marginaliser les syndicats réformistes, Macron induit que toute forme de contestation, dans le cadre du respect des institutions, est inopérant. Seule la violence peut le faire reculer comme avec les Gilets jaunes. Cette mèche lente brûle dans tous les mouvements sociaux. Macron pousse à l’extrémisme social. On le voit bien dans les hôpitaux.  

Ces trois tendances lourdes vont peser dans le prochain round. C’est là que la gauche d’en bas, la gauche municipale, va entrer en action. Plus je me balade, plus je discute, plus je rencontre... plus je la vois hostile à Macron. Et en capacité d’offrir l’espace d’un large rassemblement de deuxième tour. Celui-ci sera certes local mais à signifiant national.

Il faudra lui donner un débouché organisationnel et un nouvel imaginaire politique. Mais le Front démocratique anti-Macron est en gestation. 

Il est urgent, car le tout sauf Macron va s’accentuer vu le cours actuel du président. Et il faut disputer au Rassemblement national le fait d’en être le débouché.


 

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