L’ancien premier secrétaire du Parti socialiste français souligne que la France doit prendre l’initiative de convoquer une conférence internationale pour sauver le Liban et appelle à placer le pays sous protection internationale pour qu’il recouvre sa souveraineté et sa prospérité.
En dépit de l’effritement de la gauche française, et plus particulièrement du Parti socialiste, il continue de jouer un rôle important sur la scène politique de l’Hexagone. Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du Parti socialiste français et député honoraire, occupe aujourd’hui une place centrale dans les efforts visant à remettre sur pied la gauche, comme l’ont illustré les élections municipales qui se sont déroulées le 28 juin dernier. Mais parallèlement à ses préoccupations partisanes locales, il suit de très près la situation au Liban et au Moyen-Orient en général.
Dans une interview exclusive à L’Orient-Le Jour, M. Cambadélis expose le bilan politique des municipales et exprime, surtout, sa vive inquiétude concernant les développements en cours sur la scène libanaise. Affirmant que le Hezbollah cherche à contrôler le secteur bancaire libanais, l’ancien premier secrétaire du PS de 2014 à 2017 invite la France à prendre l’initiative de convoquer une conférence internationale sur le Liban, appelant sur ce plan à placer le pays sous protection internationale afin qu’il recouvre sa souveraineté et sa prospérité.
Le Liban est pratiquement pris en otage par le Hezbollah pour défendre le régime Assad et les objectifs stratégiques des pasdaran. Comment à votre avis le Liban pourrait-il se libérer de ce statut d’otage et quel rôle pourrait jouer la France sur ce plan ?
La situation au Liban m’inquiète au plus haut point. Le Liban est confronté à de graves épreuves et les Libanais sont dans le dénuement le plus total. L’extraordinaire vitalité libanaise est brisée par l’état de pauvreté de la moitié de la population.
La communauté internationale est coupable de non-assistance à un peuple en danger. La France doit prendre l’initiative d’une conférence internationale pour sauver le Liban. Il faut placer le pays sous protection internationale pour que le Liban retrouve sa souveraineté et sa prospérité. Ce serait l’équivalent du plan Marshall pour l’Europe, de 1945, qu’il faut mettre sur pied.
Quant au Hezbollah, il est devenu syrien. Il ne protège même plus sa communauté mais la Syrie qui, selon lui, passe avant tout, pour des raisons géopolitiques. Dans le même temps, ce parti, enkysté dans l’État, veut contrôler le secteur bancaire tout en refusant de lâcher son emprise sur des secteurs vitaux du Liban, et cela à un moment explosif pour toute la région, avec l’annexion programmée de la Cisjordanie par Israël. Le Liban affaibli, appauvri, risque d’être entraîné dans le cycle d’un conflit régional alors qu’il pourrait être la rue tranquille et apaisante de la poudrière du Moyen-Orient. Il y a donc urgence pour le Liban et les Libanais.
Depuis la formation du gouvernement de Hassane Diab, ce dernier n’a engagé aucune réforme. La livre libanaise a perdu 80 % de sa valeur face au dollar, des restrictions alimentaires se font ressentir, sans compter le rationnement drastique du courant électrique. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement n’a pas démontré sa capacité à apporter des solutions à la crise. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Ce gouvernement a une apparence : un gouvernement de techniciens. Il a une réalité : le Hezbollah (allusion à une phrase célèbre du général de Gaulle qui avait déclaré au sujet du coup d’État à Alger, le 21 avril 1961 : « Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques », NDLR). Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’il engage les réformes nécessaires ? Vu l’ampleur de la tâche à accomplir et la faillite à laquelle le Liban est confronté, il est peu probable qu’un gouvernement monochrome réussisse. Je crains que le peuple, qui est plongé dans les épreuves que vous évoquez, ne s’impatiente. Entre les exigences de la rue libanaise, celles du Hezbollah et l’affaissement économique du pays, la marge de manœuvre du gouvernement n’est pas bien grande.
Comment percevez-vous la dynamique que devrait enclencher la loi César ?
C’est une bonne initiative qui mériterait d’être un peu étayée. Il est moralement inconcevable que les profiteurs de guerre prospèrent en toute impunité. Mais les contours de la loi César sont, à cette étape, encore un peu flous. D’ailleurs, de nombreux parlementaires américains au Congrès se sont émus de ce côté indéfini.
Quelles conclusions peut-on tirer des élections municipales qui viennent de se dérouler en France le 28 juin ?
Jamais dans l’histoire moderne française une participation à un scrutin municipal n’a été aussi faible. La crise démocratique française est galopante. Jamais le parti du président n’avait subi un tel revers avec des défaites dans toutes les collectivités. Si la droite domine les villes de plus de 35 000 habitants, elle a perdu par contre toutes les métropoles, à part Nice, Toulon et Toulouse. Seules la percée des écologistes et la poussée de la gauche ouvrent un chemin d’espoir sur fond de récession croissante.
Quel pourrait être l’impact des résultats de ce scrutin sur la gauche, le PS et le président Emmanuel Macron ? Quelles perspectives ces municipales ouvrent-elles pour le PS ?
On avait enterré un peu vite la gauche et sous-estimé la demande écologiste dans la vie politique française. Cette nouvelle donne doit être confirmée par une alliance solide, un programme crédible et la désignation d’un candidat unique praticable. Emmanuel Macron a décidé de répondre à la crise en remplaçant son Premier ministre Édouard Philippe, proche de monsieur Alain Juppé, par Jean Castex, proche de Nicolas Sarkozy. Il fait le choix de l’hyperprésidence, concentrant tout sur lui.
Les 18 mois à venir avant la présidentielle vont être très durs économiquement et incertains politiquement pour la France. Tout est possible.
OLJ / Par Propos recueillis par Michel TOUMA, le 06 juillet 2020 à 00h00
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