La hausse des prix a commencé en 2021

Le gouvernement lui a opposé le retour de la croissance et la baisse du chômage.

Dès le mois d’août, dans une conférence de presse, j’indiquais que ce serait la question structurante de la prochaine Présidentielle malgré une domination des thèmes nationalistes d’exclusion de l’extrême-droite. 

Les salaires sont comprimés depuis des années, comme une variable d’ajustement de la compétitivité. Déjà peu supportables chez les ouvriers et les bas salaires, les ciseaux de la hausse des prix et du blocage des salaires deviennent explosifs sur fond de chômage de masse et de précarité accrue. 

Le retour de ce refoulé est accentué par la guerre de la Russie à l’Ukraine.  

Les prix s’envolent dans les magasins et les supermarchés. Ils ne sont pas seulement le produit de la guerre mais aussi de la spéculation sur ces produits qui vont être impactés dans les mois à venir. Mais reviendra le temps de la « réalité des prix » si on peut dire ; c’est-à-dire la nécessité de refaire les stocks. Et là nous aurons une deuxième secousse. 

La croissance, au lendemain de la Covid-19, fut une croissance de rattrapage vis-à-vis de la destruction de valeurs à la suite de la pandémie. Le « quoi qu’il en coûte » fût défendu dans toute l’Europe, même en Allemagne pourtant sourcilleuse sur les déficits. Cette stratégie européenne a préservé l’essentiel, mais ne peut faire disparaître des semaines de chômage technique et de perturbations dans la production, voire de faillites dans certains secteurs. L’idée de la bonne gestion économique de la crise ayant dopé la croissance française portée par Macron et Le Maire cache une réalité plus contrastée. Quant à la baisse du chômage, elle est du même tonneau. Les embauches sont souvent des emplois précaires, pendant que d’autres secteurs peinent à recruter pour des raisons salariales et de pénibilités.

Cette réalité post-covid s’est accompagnée d’une montée des prix. Elle fut rendue nécessaire pour refaire les marges des entreprises.

Et c’est à ce moment précis que le blé, le gaz et le pétrole s'envolent comme conséquences de la guerre. 

Il suffit d’interroger les industriels, les commerçants, les artisans pour mesurer l’effet du double impact de la conséquence mécanique de la guerre et de la spéculation sur celle-ci.

De très nombreux produits de première nécessité, à commencer par le pétrole, voient leurs prix grimper. 

Le président de la République a choisi dans le plan de résilience la compensation ponctuelle, plutôt que des mesures structurelles type « TIPP flottante » ou baisse massive de la TVA. Le débat va immanquablement se déplacer vers l’échelle mobile des salaires. Cette mesure est la hantise du patronat. On peut se demander si le pari implicite de Macron n’était pas une guerre courte. Elle n’en prend pas le chemin. La résistance des Ukrainiens, la dérobade des populations Russophones et la livraison à l’Ukraine d’armes antichars ont contrarié les plans de Poutine. 

Nous sommes dans le plan B. Il s’agit de couper l’Ukraine de la mer. C’est le sens de la sauvagerie à Marioupol et demain sur Odessa. Ce sont deux ports qui exportent les productions de blé et d’engrais de l’Ukraine.  

Et si les Russes bombardent Lviv ou maintiennent des troupes à Kiev et aux alentours, c’est pour éviter que l’armée ukrainienne ne se regroupe pour sauver Odessa. L’accès à la mer d'Azov et la mer Noire revêt une importance déterminante pour la Russie, l’Ukraine et l’Europe, voire le bassin Méditerranéen. La Russie boycottée, l’Ukraine claquemurée, c’est la hausse des prix assurée au-delà du gaz et du pétrole. 

L’Ukraine et la Russie c’est 30% des exportations mondiales du blé, car la Russie est le 1er exportateur et l’Ukraine le 4ème exportateur. Et cette dernière exporte 75 % de sa production. La pénurie en Europe est une possibilité. La Hongrie vient déjà de stopper les exportations. Et ceci au moment où la Chine annonce, pour des raisons météorologiques, la pire récolte de son histoire. Alors les prix s’envolent. Déjà hauts, 284 euros la tonne, ils atteignent aujourd'hui 393 euros.

Les prix des pâtes, du pain, de la semoule de couscous sont à la hausse. Mais pas seulement, on annonce près de 2% en moyenne sur tous les produits. Les fruits et les légumes ont augmenté eux de 9%. La facture de l’énergie est salée : + 18,6 % ! S’il y a un an, un foyer remplissait sa cuve de fioul pour 1500 euros, c’est désormais 2300 euros. Ce qui va pour le fioul domestique va pour l’énergie, pour l’industrie, le commerce etc. 

La valse des étiquettes est là ! + 90 % pour le prix du gaz ; + 36 % pour le blé ; + 40 % pour le tournesol.

Et d’après les statistiques, ce sont les produits estampillés « premier prix » et les marques distributeurs qui affichent les plus fortes hausses.  

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, vient de déclarer en plus « il va falloir oser parler de hausses substantielles » des prix de l’alimentation.  

La double crise « pandémie et guerre » va bouleverser les chaînes de valeur en matière d’énergie, d’alimentation, de défense avec un effet inévitablement inflationniste. Quoi qu’en dise le ministre de l’Économie, éternel satisfait, qui lui ne voit rien venir. 

Il est peu probable qu’un tel choc ne produise pas des tensions sociales à la fois en Europe mais aussi dans le bassin Méditerranéen. Et donc, en retour, perturbera la confiance nécessaire à la croissance et surtout provoquera une pression sur les salaires.  

Il est impossible dans ces conditions de financer le programme présidentiel de Macron et de ceux qui se réclament du cercle de la raison. Quant aux programmes rupturistes nationalistes ou sociaux, ils amplifieraient la crise. 

Le France tourne autour de la guerre d’Ukraine. C’est évidemment un événement majeur et constitutif d’une nouvelle donne géopolitique. Mais elle ne veut pas voir venir la vague de la vie chère qui va structurer le futur quinquennat, donnant du grain à moudre aux populistes.

Ils étaient 250 000 paysans à Madrid contre la hausse du prix de l’essence samedi dernier. Là où en Bretagne routiers, voire agriculteurs, manifestent le même mécontentement. C’est dans ce climat que vont se dérouler les derniers jours de la campagne présidentielle. 

En attendant, accrochez vos ceintures car ça va secouer ...