En annonçant le « pass sanitaire », Emmanuel Macron a réactivé les Gilets « jaunisation du débat français ».
En publiant une liste de 300 personnalités de droite et du PS, le président qui avait conçu cet appel vraisemblablement contre un succès du RN aux régionales, le recycle dans le domaine sanitaire, mais réintroduit un clivage Raison / Passion.
La violence symbolique, l’étoile jaune et la violence tout court, avec des lieux de vaccination brûlés, sont la preuve vivante de la déconstruction républicaine et la décomposition démocratique. Quand la société est éclatée, la violence est partout.
C’est la rançon de l’effondrement du clivage Gauche / Droite, que rien n’est venu remplacer.
Les démons du populisme sont sortis de leurs boîtes et l’archipéllisation de la vie politique ne permet plus de les contenir.
L’affaissement des formations politiques et des corps intermédiaires ne permet plus d’ordonner le débat.
Le vieux tonneau de la démocratie vermoulue par tant d’inégalités, d’injustices, de précarité ou de pauvreté sans espoir, voit ses anneaux de fer qui le maintenaient s’effondrer petit à petit.
On a brûlé les lieux de soins, comme on caillasse les pompiers et détruit l’arc de triomphe, ou l’on organise des chasses à courre médiatique sur les réseaux sociaux.
Le débat n’est plus dans le choc des idées mais dans le choc des égos.
Cela est visible dans le débat national, comme dans l’amorce de la présidentielle. La vie politique est fracturée par segments, pendant que la vie sociale est façon puzzle.
Le consensus de l’intérêt général ne fait plus consensus.
Le président n’a pas voulu décider la vaccination obligatoire de peur de heurter l’opinion, dans ce moment où il tente de reconstruire une candidature présidentielle. Il a préféré une obligation qui ne dit pas son nom, via un « pass sanitaire ». En effet le « pass de sortie » revient pour les récalcitrants au dilemme : être vacciné pour avoir une vie sociale ou rester cloîtré chez soi.
Et dans un pays qui a l’égalité chevillée au corps, cela est source de polémiques sans fin. Et dans un pays à cran, sans axe politiquement structurant, c’est mettre le feu à la plaine sèche.
L’exécutif vient de s’apercevoir qu’il a mis à côté de la plaque. Il tente d’assouplir son propos, provoquant en retour de nouvelles polémiques : « pourquoi telle catégorie devrait être vaccinée et pas une autre ? »
Et ceci, sur fond de marché à la 4e vague, bien plus rapide que nous le pensions.
Dans mes 10 thèses pour une Nouvelle Société, j’ai avancé le concept de la liberté ordonnée. Il n’y a pas de liberté réelle, si tout est interdit. Mais pas plus, si tout est permis.
C’est la règle de l’intérêt général qui permet d’ordonner la liberté. Et ceci d’autant plus que nos sociétés modernes vivent sans boussoles, sans temps mort, sans sang-froid, sur-activées par les réseaux sociaux.
Joe Biden s’est emporté contre Facebook, qu’il a accusé de propager la mort, tant il est vrai que les thèses complotistes, délirantes et délétères fleurissent sur ce réseau social comme sur d’autres.
Un médecin a eu ce jugement « avec les réseaux sociaux, on n’aurait jamais pu vacciner le pays contre la variole ».
Voilà pourquoi, il ne fallait pas finasser, d’autant que le Conseil d’État s’en mêle, jugeant certaines mesures contraires à l’égalité devant la loi.
Il valait mieux affronter les démons du populisme, dans une phase de décomposition politique, avec la position de fer de la vaccination obligatoire, que d’inventer un « pass » qui ne passe pas à la veille de la quatrième vague.